Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/313

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d’être obligé de se servir de son épée ; et Éverard s’était distingué autant par sa bravoure personnelle que par les autres qualités d’un chef militaire. Mais l’arrivée d’une personne tierce prévint l’issue tragique de ce combat, dans lequel le succès de l’une ou de l’autre partie aurait été pour elle un sujet de regret.

C’était le vieux chevalier qui rentrait à la Loge, monté sur un petit cheval sauvage, car la guerre et la confiscation ne lui avaient pas laissé de plus noble monture. Il se précipita entre les combattants, et leur ordonna, sur leur vie, de baisser leurs épées. Aussitôt qu’un regard lancé sur l’un et sur l’autre lui eut fait reconnaître à qui il avait affaire, il leur demanda si les diables de Woodstock, dont on parlait tant, s’étaient emparés d’eux pour oser se battre ainsi dans l’enceinte du parc royal… ? « Permettez-moi de vous dire à tous deux que tant que le vieil Henri Lee sera à Woodstock, les franchises du parc seront maintenues comme si le roi était toujours sur son trône. Nul ne se battra ici en duel, excepté les cerfs lorsqu’ils seront en rut. Rengainez tous deux, ou je dégainerai comme troisième combattant, et je serai peut-être le diable le plus enragé des trois !… comme dit Will[1] :

Je vous étrillerai si bien avec ce fer,
Que vous croirez le diable échappé de l’enfer. »

Les combattants cessèrent, mais ils restèrent immobiles, se lançant des regards irrités, comme on fait toujours en pareille circonstance, aucun ne voulant paraître plus désireux de la paix que l’autre, et ne voulant point par conséquent être le premier à rengainer.

« Rengainez, messieurs, » dit le chevalier d’un ton encore plus impératif. « Vous aurez tous deux affaire à moi, je vous le garantis. Réjouissez-vous de ce que les temps sont changés, car, j’ai vu une époque où votre insolence vous eût coûté chacun une main, à moins que vous n’eussiez payé une bonne somme pour la racheter… Neveu, si vous ne voulez pas perdre mon amitié pour toujours, je vous ordonne de remettre votre épée dans le fourreau… Et vous maître Kerneguy, vous êtes mon hôte, je vous prie de ne point me faire outrage en gardant la vôtre nue dans un lieu où il est de mon devoir de faire observer la paix. — Je vous obéis, sir Henri, lui répondit le roi. Je ne sais pourquoi j’ai été provoqué par ce gentilhomme. Je vous assure que personne plus que moi ne respecte la

  1. Shakspeare. a. m.