Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/309

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voir. Si vous pouvez me donner de bonnes raisons qui exigent une satisfaction personnelle, je suis tout disposé à vous l’accorder ; dans le cas contraire, si vous n’êtes guidé que par une impertinente curiosité, je vous préviens que je ne souffrirai pas qu’on m’importune et qu’on me suive aussi obstinément dans mes promenades. — Quand je reconnais mon propre manteau sur les épaules d’un homme, » répliqua froidement l’étranger, « j’ai, je pense, le droit de le suivre, et de voir ce que deviendra ce manteau ; car, monsieur, quoique je me sois mépris sur la personne qui le porte, je suis assuré que j’avais le droit d’appuyer ma canne sur le manteau que vous portez, à moins qu’il ne soit pas permis de secouer la poussière de ses habits. Ainsi, permettez-moi, si vous voulez que nous soyons amis, de vous demander comment ce manteau est tombé en votre pouvoir et où vous voulez l’emporter ? autrement, apprenez que j’ai assez d’autorité pour vous faire arrêter. — manteau maudit ! » pensa en lui-même le prince errant, « et trois fois maudite la ridicule fantaisie qui m’engagea à le prendre pour m’attirer des querelles et me faire connaître, quand le secret et la discrétion sont si nécessaires à ma sûreté. — Si vous me permettez de dire ma pensée, dit l’étranger, qui n’était autre que Markham Éverard, « je vous prouverai que vous êtes mieux connu de moi que vous ne le croyez. — Que le ciel m’en préserve ! » dit en lui-même le roi, et c’était là la prière la plus fervente qu’il eût jamais faite dans tout le cours de sa vie. Cependant, en ce moment même, tout critique qu’il était, son courage et son sang-froid ne l’abandonnèrent pas ; il réfléchit qu’il était de la dernière importance de ne pas paraître décontenancé, et de répondre, s’il était possible, de manière à découvrir jusqu’à quel point pouvaient s’étendre les connaissances ou les soupçons de son dangereux compagnon.

« Si vous me connaissez, monsieur, lui dit-il, et si vous êtes un gentilhomme, comme votre extérieur semble l’indiquer, vous devez savoir par suite de quel accident je porte des habits qui, dites-vous, sont les vôtres. — Oh ! monsieur, » répliqua le colonel Éverard, dont la douceur de l’étranger ne calmait pas le mécontentement, « nous avons appris nos Métamorphoses d’Ovide, et nous savons dans quelles intentions les jeunes gens de qualité voyagent déguisés. Nous savons même qu’en certaines occasions on se cache sous des habits de femme… nous avons entendu parler de Vertumne et de Pomone. »

Le monarque, en entendant ces paroles, adressa encore au ciel