Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/295

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honorer, c’est là une distinction glorieuse. Les hérauts, à leurs premières visites, le placeraient d’un degré plus haut sur le rôle de la noblesse ; ensuite, s’il se montrait un peu récalcitrant, le vieux traître ne le mérite-t-il pas ? Premièrement pour avoir eu la déloyale intention de faire à mon corps des marques de noir et de bleu, avec ses vils fleurets. Secondement, pour avoir comploté avec Will Shakspeare, un drôle aussi vieux que lui, de me lire, à m’en faire mourir, cinq actes d’une pièce historique, d’une chronique intitulée : La Vie et la Mort piteuse de Richard II. Ventrebleu ! ma propre vie est déjà assez piteuse elle-même, je pense ; et ma mort s’en ressentira beaucoup, autant que je puis le prévoir. Ah ! mais ensuite le frère… mon ami… mon guide… ma garde… cette intrigue que je médite le touche un peu ; elle ne lui semblerait pas des plus belles. Mais ces frères fanfarons, rodomonts et vindicatifs n’existent que sur le théâtre. Que, pour venger sa sœur qui a été séduite, si elle-même n’est pas coupable de séduction, ce qui peut arriver, un frère poursuive un malheureux avec autant d’acharnement que si celui-ci lui avait marché sur l’orteil sans s’excuser, c’est une chose entièrement passée de mode depuis que Dorset tua le lord Bruce, il y a déjà long-temps. Bah ! quand un roi est l’offenseur, le plus vaillant homme ne perd pas grand’chose à souffrir une petite injure qu’il ne peut personnellement venger. Et en France il n’est pas un noble seigneur qui ne retroussât son chapeau d’un pouce plus haut, s’il pouvait se vanter d’une pareille alliance avec le grand monarque. »

Telles furent les pensées qui vinrent assaillir l’esprit de Charles, dans les premiers moments après sa sortie de la Loge de Woodstock, et à son entrée dans la forêt dont elle était entourée. Cette logique perverse ne doit cependant pas être attribuée à la disposition naturelle de son cœur, et sa raison qui était droite ne l’admettait pas sans scrupule ; mais il avait été conduit à adopter ces arguments par suite d’une intimité trop étroite avec les jeunes seigneurs légers et corrompus parmi lesquels il avait passé sa vie. C’était le résultat de ses entretiens avec Villiers, Wilmot Sedley, et autres dont le génie devait corrompre ce siècle ainsi que le monarque. De tels hommes élevés dans la licence de la guerre civile sans être soumis au frein que dans les temps ordinaires l’autorité des parents et d’une famille impose aux passions fougueuses de la jeunesse, s’étaient livrés à toute espèce de vices ; ils étaient capables d’en inspirer le goût par leurs préceptes comme par leurs