Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suite : « L’appétit de Votre Majesté convenait à merveille au rôle qu’elle remplissait d’un gauche garçon du nord… Plairait-il à Votre Majesté d’aller prendre du repos ? — Non, encore une ou deux minutes, » lui répondit le roi restant toujours assis. « Sur ma foi, ami, j’ai à peine eu le loisir de parler aujourd’hui, et encore ce jargon du nord ! et qui plus est, la peine d’être obligé de peser chaque mot pour ne pas me trahir… ! corbleu ! c’est marcher comme les galériens sur le continent, avec un boulet de vingt-quatre livres aux pieds… ils peuvent le traîner, mais ils ne peuvent remuer facilement. Mais tu tardes bien à me payer un juste tribut de compliments pour la manière dont j’ai rempli mon rôle : et n’ai-je pas été parfait dans celui de Louis Kerneguy ? — Si Votre Majesté me demande sérieusement mon opinion, peut-être me pardonnera-t-elle de lui répondre que son accent était un peu forcé pour un jeune Écossais de bonne naissance, et ses manières un peu trop grossières. Je pense aussi… quoique je ne prétende pas être très compétent… que votre écossais n’était pas toujours pur. — Mon écossais n’était point pur ? impossible de te contenter, Albert… Ma foi, qui le parlerait plus purement que moi ?… n’ai-je pas été leur roi pendant dix mois entiers ? et si je n’ai pas appris leur langue, je ne sais vraiment pas ce que j’y ai gagné ? Les paysans de l’est, de l’ouest, du sud, et les montagnards ne venaient-ils pas tour à tour m’étourdir avec leur ton de voix rauque et guttural, fort et traînant ou aigre ?… Ventrebleu ! ami, n’ai-je pas dû avoir la patience d’écouter les harangues de leurs orateurs, les allocutions de leurs sénateurs, les réprimandes de leurs ministres ? ne me suis-je pas assis sur le tabouret de repentance ? L’ami… » continua le roi en reprenant l’accent écossais, « n’ai-je pas reçu comme une grâce du digne Mac John Gillespie la permission de faire pénitence dans ma chambre privée, au lieu de la faire en face de la congrégation ? et après tout cela, tu me diras que je ne parle pas assez bien l’écossais pour en imposer à un chevalier d’Oxford et à sa famille ? — Avec la permission de Votre Majesté… j’ai dit, en commençant, que je n’étais pas connaisseur en langue écossaise. — Fi !… c’est pure envie ! De même, vous disiez, chez Norton, que j’étais trop courtois, trop poli pour un jeune page… À présent vous me trouvez trop grossier. — Mais il y a un milieu qu’on pourrait saisir, » dit Albert, défendant son opinion sur le même ton que celui dont le roi l’attaquait ; ainsi, ce matin, par exemple, quand vous étiez habillé en femme, vous leviez vos jupons d’une manière indécente,