Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/262

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À ces mots, et croyant pouvoir se permettre plus de familiarité en raison du mérite qu’il supposait qu’on lui reconnaissait, il poussa sa chaise contre celle du jeune Écossais qui était assis près de lui, et qui, pour se faire de la place, fut assez maladroit pour marcher sur le pied d’Alice qui était vis-à-vis de lui. Elle en parut offensée ou embarrassée du moins, et éloigna sa chaise de la table.

« Je vous demande pardon, » dit l’honorable maître Kerneguy à Wildrake ; « mais, monsieur, c’est votre faute si j’ai marché sur les pieds de mademoiselle. — Je vous demande aussi pardon, monsieur, et bien plus encore à cette jolie demoiselle ; et j’oserai vous affirmer sur ma vie que ce n’est pas moi qui ai fait sauter votre chaise de la sorte. Corbleu, monsieur ! je n’ai ni la gale ni la peste, ni aucune maladie contagieuse pour vous reculer ainsi de moi, comme si j étais un lépreux, et faire mal à mademoiselle que je défendrais au péril de ma vie, monsieur. Si vous êtes né dans le nord, comme votre accent semble l’indiquer, c’était plutôt moi qui courais des risques en vous touchant ; vous n’aviez donc nulle raison pour vous éloigner ainsi. — Maître Wildrake, dit Albert, ce jeune gentilhomme est étranger comme vous, et sous la protection de sir Henri qui ne peut voir d’un bon œil des disputes s’élever parmi ses hôtes. Son accoutrement peut faire que vous vous mépreniez sur le rang qu’il occupe ; c’est pourtant l’honorable maître Louis Kerneguy, monsieur, fils de milord Killstewers de Kincardineshire, et, tout jeune qu’il est, il a déjà combattu pour le roi. — Je n’ai l’intention de quereller personne, monsieur, dit Wildrake ; votre explication suffit. Maître Louis Girnigo, fils de milord Kilsteer de Gringardenshire, je suis voire humble serviteur, et je bois à votre santé pour vous prouver que je vous honore, vous et tous les loyaux Écossais qui ont tiré leurs André Ferraro pour la bonne cause. — Bien obligé et grand merci, monsieur, » répondit le jeune homme avec un ton de hauteur qui contrastait avec sa rusticité ordinaire ; « et je vous souhaite une parfaite santé aussi civilement qu’on peut le faire. »

Toute personne qui aurait eu un peu de jugement aurait laissé tomber la conversation ; mais c’était un des traits caractéristiques de Wildrake de ne pouvoir jamais abandonner les choses au moment où elles étaient en bon chemin ; il continua donc à poursuivre le fier, l’impassible et maladroit jeune homme de ses observations. « Votre accent national se fait bien entendre, maître Girnigo, lui