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était composée de citoyens estimables qui avaient renoncé à la hiérarchie et à la liturgie de l’Église anglicane, pour embrasser le culte presbytérien, et qui vivaient sous le gouvernement religieux du révérend Nehemiah Holdenough, qui s’était acquis quelque célébrité par la longueur et l’éloquence de ses sermons. À côté de ces graves personnes étaient assises leurs pieuses épouses, en manchettes et gorgerettes, ressemblant à ces portraits qui, dans les catalogues des peintres, sont désignés comme : « Femme d’un bourgmestre. » Auprès d’elles on voyait leurs jolies filles qui, comme le médecin de Chaucer, n’étudiaient pas exclusivement la bible, mais qui, toutes les fois qu’un de leurs regards pouvait échapper à la surveillance de leurs vénérables mères, étaient distraites elles-mêmes, et un sujet de distraction pour les autres.

Indépendamment de ces personnes recommandables, il y avait dans l’église une nombreuse réunion de personnes appartenant à d’autres classes, attirées, quelques unes par la curiosité, mais la plupart artisans grossiers, égarés dans le labyrinthe des discussions théologiques de l’époque, et d’autant de sectes différentes qu’il y a de couleurs dans l’arc-en-ciel. La présomption de ces doctes Thébains[1] était en proportion avec leur ignorance, c’est-à-dire que l’une et l’autre étaient extrêmes. Leur conduite dans l’église n’était rien moins que respectueuse et édifiante. La plupart affectaient un mépris cynique pour tout ce qui n’était sacré que par une sanction humaine ; et pour ces hommes, l’église n’était qu’une maison surmontée d’un clocher ; le ministre, qu’une personne ordinaire ; ses instructions, une nourriture grossière et insipide, indigne du palais délicat des saints ; la prière, une invocation au ciel, à laquelle chacun se joignait, selon que les lumières de la raison le lui faisaient trouver convenable ou non.

Les plus âgés étaient assis ou debout dans leurs bancs, leurs chapeaux en forme de clocher enfoncés sur leurs fronts sévères et renfrognés, attendant le ministre presbytérien, comme des dogues silencieux attendent le taureau qu’on va attacher au poteau. Les plus jeunes mêlaient à leurs hérésies plus d’audace et de licence dans leurs manières ; ils lorgnaient les femmes tour à tour, bâillaient, toussaient, causaient à demi-voix, mangeaient des pommes, cassaient des noix, comme des spectateurs dans la galerie d’un théâtre avant que la pièce commence.

  1. Expression de Shakspeare dans le roi Lear, employée ici dans un sens ironique. a. m.