Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rejoignant sa jeune maîtresse, lui demanda avec surprise ce que c’était, et si elle avait eu peur. Alice lui dit deux mots de son alarme, pour laquelle elle n’aurait pu en effet donner de motifs bien légitimes ; car les manières de l’inconnue, quoique hardies et importunes, n’étaient pas menaçantes. Elle avoua seulement qu’elle avait rencontré une diseuse de bonne aventure à la fontaine de Rosemonde, et qu’elle ne s’en était débarrassée qu’avec peine.

« Ah ! la coquine d’Égyptienne, dit Jocelin, comme elle avait bien senti que notre buffet n’était pas vide !… Ils ont autant d’odorat que des corbeaux, ces rôdeurs ; regardez, mistress Alice, vous ne voyez pas un corbeau, pas une corneille dans ce beau ciel à un mille autour de vous, mais qu’une brebis s’échappe un peu de la pelouse, et, avant que le pauvre animal soit mort, vous en entendrez une douzaine croasser comme pour inviter tous leurs frères à ce banquet… Il en est de même de ces valides mendiants… Vous n’en verrez guère quand on n’a rien à leur donner, mais quand on met le pot au feu, il faut qu’ils en aient leur part. — Vous êtes si fier de vos nouvelles provisions, dit Alice, que vous soupçonnez tout le monde de leur en vouloir. Je ne pense pas que cette femme ose approcher de votre cuisine, Jocelin. — Alors elle ne s’en portera que mieux, car je lui donnerai un plat dur à digérer… Mais donnez-moi la cruche, mistress Alice ; les convenances veulent que ce soit moi qui la porte… Comment donc ! qu’entends-je tinter au fond ? Avez-vous puisé les cailloux avec l’eau ?… — Je crois que cette femme a jeté quelque chose dans la cruche, dit Alice. — Ah ! regardons-y vite, car c’est peut-être un charme, et nous avons déjà assez de diableries à Woodstock… N’ayons pis peur de jeter l’eau ; je peux recourir à la fontaine en chercher d’autre. » Il vida l’eau sur le gazon, et au fond de la cruche, se trouva un anneau d’or dans lequel était enchâssé un rubis qui semblait d’un grand prix.

« Si ce n’est pas un talisman, je ne sais ce que c’est, dit Jocelin. Vrai, mistress Alice, je crois que vous feriez bien de le jeter ; de tels cadeaux venant de pareilles mains sont une espèce de paie que donne le diable d’avance pour enrôler dans son régiment de sorcières ; et ne recevrait-on qu’une fève de lui, on devient pour toute sa vie son esclave forcé… Oui, vous voyez bien ce bijou, en bien, demain matin vous trouverez une bague de plomb et un caillou ordinaire à sa place. — Ma foi, Jocelin, je pense qu’il vaudrait mieux retrouver cette vieille au noir visage, et lui rendre un objet qui me paraît être d’un grand prix. Cherchez-la donc, et re-