Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vements des grands personnages, surtout quand ils n’ont pas l’habitude d’être aussi haut placés, Éverard engagea la conversation avec le ministre pretbytérien, maître Holdenough, qui était sorti de son appartement, sans être vu, comme pour défier les esprits qui étaient supposés faire tapage dans la maison, et dont les joues pâles, le front soucieux, donnaient à imaginer qu’il n’avait pas passé la nuit plus tranquillement que les autres habitants de Woodstock. Le colonel Éverard offrit au révérend ministre de lui procurer quelque rafraîchissement ; mais celui-ci lui répondit aussitôt : « Aujourd’hui je ne prendrai que la nourriture nécessaire pour vivre, puisqu’il nous est promis que notre pain nous sera donné, et qu’on nous assure notre eau ; non que je pense, avec les papistes, que le jeûne ajoute à ces mérites qui ne sont qu’un monceau de sales haillons, mais parce que je crois nécessaire de ne pas m’exposer à ce qu’une nourriture grossière obscurcisse mon jugement et rende moins pures, moins éclatantes les actions de grâces que je dois au ciel pour m’avoir conservé la vie d’une manière si merveilleuse. — Maître Holdenough, dit Éverard, vous êtes, je le sais, un digne et vaillant homme, et je vous ai vu la nuit dernière courir bravement à vos sacrés devoirs lorsque des soldats d’un courage éprouvé semblaient dominés par une vive frayeur. — Trop courageux… trop téméraire, » fut la réponse de maître Holdenough, dont l’air décidé semblait avoir complètement disparu. « Nous sommes de débiles créatures, maître Éverard, et plus faibles quand nous nous croyons plus forts. Oh ! colonel ! » ajouta-t-il après un moment de réflexion, et comme si la confidence lui échappait involontairement, « j’ai eu une vision à laquelle je ne survivrai pas ! — Vous me surprenez, mon révérend ami ! puis-je vous prier de vous expliquer plus clairement ? J’ai entendu conter d’étranges histoires arrivées cette nuit, et même j’ai vu aussi d’étranges choses ; mais, sur ma parole, je souhaiterais plus vivement connaître les apparitions qui vous ont troublé. — Monsieur, lui répondit le ministre, vous êtes un homme discret ; et quoique je ne veuille pas que ces hérétiques schismatiques, Brownistes, Mugletoniens, Anabaptistes, et autres aient une occasion de triomphe aussi belle que leur en donnerait une défaite dans cette triste aventure ; pourtant avec vous, qui avez toujours été un fidèle adhérent à la bonne cause pour la grande ligue nationale et le covenant, je puis vraiment être plus communicatif. Asseyons-nous donc, et permettez-moi de demander un verre d’eau fraîche, car je