Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/182

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Dick. — Qu’arriva-t-il ensuite ? dit Éverard. Songe à dire la vérité. — Je dis aussi vrai qu’un évangile sans commentaire, répliqua l’Indépendant ; mais mon histoire tire à sa fin. Je vis descendre mon maître, la figure blême, mais l’air résolu ; quand il entra dans le vestibule et qu’il aperçut l’étranger, il s’arrêta. L’étranger se dirigea vers la porte, en lui faisant signe de le suivre. Mon digne patron y semblait tout disposé ; mais il s’arrêta encore lorsque l’inconnu, homme ou diable, revint et dit : Écoute ta sentence :

Par le chemin sans trace et par le vert bocage,
Ami, c’est ton destin de suivre mon voyage ;
De me suivre aux rayons de Phœbé qui nous luit ;
De me suivre à travers les ombres de la nuit ;
De me suivre toujours, voilà ta destinée :
Je t’en conjure, au nom d’une plaie incarnée.
Et par les derniers mots que prononce un mourant,
Alors qu’il va descendre au fond du monument.

À ces mots il ressortit, et mon maître le suivit dans la forêt… Je les accompagnai à distance ; mais quand je m’approchai, mon maître était seul et se démenait comme vous voyez maintenant. — Tu as une merveilleuse mémoire, l’ami, » dit le colonel froidement, « pour avoir si bien retenu ces vers que tu n’as entendus qu’une fois. Il me semble que tout cela était convenu d’avance. — Que je n’ai entendus qu’une fois, mon honorable monsieur !.. Hélas ! ces vers ne sortent guère de la bouche de mon pauvre maître quand il est moins triomphant, ce qui arrive quelquefois dans ses luttes avec Satan. Mais je les ai entendu réciter avant par un autre ; et, à vrai dire, mon maître semble toujours les répéter malgré lui, comme un enfant récite une leçon, et comme s’ils ne lui étaient pas rappelés par sa propre mémoire, pour me servir de l’expression du psalmiste. — C’est étrange ! ajouta Éverard… J’ai bien entendu dire que les esprits des gens assassinés avaient un singulier pouvoir sur leurs assassins ; mais je ne puis croire qu’avec peine qu’il y ait du vrai dans de pareil contes… Roger Wildrake, de quoi as-tu peur ?… pourquoi t’agiter ainsi ? — Peur ! Ce n’est pas peur… c’est haine, haine à mort… Je vois le meurtrier du pauvre Dick devant moi… et, regarde, il se met en posture de défense… Pa… pa… parle, chien de boucher : tu ne manqueras point d’antagonistes. »

Avant qu’il fût possible de l’arrêter, Wildrake se débarrassa de son manteau, tira son épée, et d’un seul saut franchit la distance qui le séparait d’Harrison, et croisa sa lame avec la sienne, qu’il