Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/179

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les coups qui redoublaient toujours, si bien que la porte fut bientôt près d’être enfoncée. Le digne maître Bibbet était un peu pris de liqueur, ce qui lui arrive ordinairement tous les soirs à pareille heure, le brave homme !… non qu’il ait un penchant à l’ivrognerie, mais parce que depuis la campagne d’Écosse il est sujet à une fièvre continue qui l’oblige à fortifier son corps contre l’humidité ; c’est pourquoi, comme Votre Honneur a pu remarquer que je m’acquitte des droits d’un fidèle domestique, aussi bien envers le major Harrison et les autres commissaires qu’envers mon juste et légitime maître, le colonel Desborough… — Je sais tout cela… et maintenant que tous deux se fient à toi, je prie le ciel que tu puisses mériter leur confiance, lui répondit le colonel Éverard. — Et moi je prie dévotement, dit Tomkins, que vos dignes prières soient exaucées ; car véritablement, les noms et les titres d’honnête Joseph et de fidèle Tomkins, ainsi que la possession réelle de ces qualités, sont choses à moi plus précieuses qu’un titre de comte, si l’on en accordait de pareils sous ce gouvernement régénéré. — Bien ! continue… continue… ou si tu t’écartes plus long-temps, nous allons nous disputer chaudement sur l’article de ton honnêteté. J’aime les histoires courtes, coquin, et me méfie de ce qui est conté avec de longues périphrases inutiles. — Eh bien, mon bon monsieur, pas d’impatience… Comme je vous disais, les portes craquèrent si fort que vous eussiez cru que les coups se répétaient dans toutes les chambres du château. La cloche sonnait comme lorsqu’elle annonce le dîner, sans que nous vissions personne tirer le cordon, et les sentinelles dégainèrent, ne trouvant pas qu’il y avait rien de mieux à faire. Maître Bibbet étant, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, incapable de remplir ses fonctions, je m’en allai à la porte avec ma pauvre rapière, et demandai qui était là. La voix qui me répondit, j’oserais l’affirmer, ne m’était pas inconnue, et on demanda le major-général Harrison. Comme il était tard alors, je répondis d’un ton aimable que le général Harrison était sur le point de se mettre au lit, et que quiconque souhaitait lui parler devait revenir le lendemain matin, attendu qu’après la nuit tombée la porte du château en était la seule garnison et ne s’ouvrait plus à personne : alors la voix répliqua et m’ordonna impérativement d’ouvrir, sans quoi on lancerait les deux battants de la porte jusqu’au milieu du vestibule. Le bruit recommença en dehors avec tant de violence que nous crûmes que la maison allait s’écrouler ; et moi, je fus pour ainsi dire forcé d’ouvrir la porte, tout comme une gar-