Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

las ! digne monsieur, pourquoi tiendrait-il l’acier de Sheffield dans son fourreau, lorsqu’il a des ennemis à combattre ? des ennemis incarnés sur terre, et sous terre des ennemis infernaux ? — C’est insupportable, dit Éverard. Écoute-moi, Tomkins : tu parles comme si tu étais en chaire, mais je me soucie peu de tes sermons. Je sais que tu ne peux rien dire d’intelligible quand tu es ainsi disposé. Songes-y, je puis te servir ou te nuire, et si tu espères ou crains quelque chose de moi, réponds sans détour. Qu’est-il arrivé pour que ton maître se jette au milieu de ce bois désert, à cette heure de la nuit ? — En vérité, mon digne et honorable monsieur, je parlerai avec le plus de précision possible. Il est vrai et certain que le souffle d’homme, qui est dans ses narines, va et vient… — Chut ! coquin, dit le colonel, tâchez d’être plus concis dans les réponses que vous m’adresserez. Vous n’ignorez pas comment, à la grande bataille de Duabar, en Écosse, le général lui-même tourna un pistole vers la tête du lieutenant Hewereed, le menaçant de lui brûler la cervelle s’il ne cessait pas son sermon, et s’il ne mettait son escadron sur la première ligne. Garde à toi, coquin !… — Véritablement, dit Tomkins, le lieutenant chargea en si bon ordre et avec tant de précision, qu’il poussa devant lui, et à travers le rivage, un millier de plaids et de bonnets dans la mer. Moi non plus, je n’omettrai pas, je ne négligerai pas les ordres de Votre Honneur, mais j’y obéirai promptement, et cela sans délai. — Allons donc, drôle, tu sais ce que je te demande, dit Éverard ; parle enfin… Je sais que tu le peux, si tu veux. On connaît mieux Fidèle Tomkins qu’il ne pense. — Mon digne, monsieur, » dit Tomkins, en abrégeant de beaucoup ses longues périphrases, j’obéirai à Votre Seigneurie autant que l’esprit me le permettra. « Vraiment il n’y avait pas encore une heure que mon respectable maître était à table avec maître Bibbet et moi, sans parler de l’honorable maître Bletson, et du colonel Desborough, quand nous entendîmes heurter à la porte, à grands coups, comme si on eût été bien pressé. Or, en vérité, notre logement avait été tellement harassé par les sorcières et les esprits, par les apparitions et le tumulte, qu’il était impossible de contraindre les sentinelles à rester en dehors à leurs portes, et c’était seulement en leur donnant force bœuf et force eau-de-vie que nous étions parvenus à maintenir une garde de trois hommes dans le salon, qui encore n’osaient ouvrir la porte, de peur d’être assaillis par quelqu’un des diablotins dont leur imagination était farcie, et ils restèrent à entendre