Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/175

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rais sans doute de la recevoir, mais non de vous peut-être… Heureusement que je puis, si je veux, ne pas me rendre coupable de la trahison que vous puniriez. Sachez qu’aujourd’hui j’ai reçu l’avis secret, et de Cromwell lui-même, que le Jeune Homme s’est échappé par mer de Bristol. — Ah ! béni soit le Dieu tout-puissant qui l’a défendu contre tant de périls ! s’écria Wildrake. Huzza ! courage, Cavaliers !… Cavaliers, en avant !… Dieu bénisse le roi Charles !… Lune et étoiles, recevez mon chapeau… » et il le jeta en l’air aussi haut qu’il put. Les corps célestes ne reçurent pas le présent qu’il leur envoya, mais, de même que le fourreau de sir Henri Lee, un vieux chêne noueux devint une seconde fois le dépositaire d’efforts perdus et égarés dans un loyal enthousiasme. Wildrake parut un peu sot de l’accident, et son ami saisit cette occasion pour le réprimander.

« N’es-tu pas honteux de te comporter comme un écolier ? — Ma foi, je n’ai fait que confier un loyal message à un chapeau de Puritain. Je ris en songeant combien les écoliers dont tu parlais seront attrapés sur l’arbre ébranché, l’année prochaine, s’attendant à trouver le nid de quelque oiseau inconnu dans cette énorme calotte de feutre. — Silence maintenant, pour l’amour de Dieu, et parlons avec calme, dit Éverard. Charles s’est échappé et je m’en réjouis ; je l’eusse vu bien volontiers reprendre le trône de son père par composition, mais non par force et avec l’aide d’une armée écossaise, et de royalistes irrités et vindicatifs… — Maître Markham Éverard ! s’écria le Cavalier en l’interrompant. — Allons, paix, cher Wildrake ! ne nous disputons pas sur un sujet sur lequel nous ne pouvons nous accorder, et laisse-moi continuer. Je disais, puisque le Jeune Homme a eu le bonheur de s’échapper, l’offensante et injurieuse proposition de Cromwell tombe d’elle-même, et je ne vois pas pourquoi mon oncle et sa famille ne rentreraient pas dans leur propre maison, tolérés aussi bien que tant d’autres royalistes. Quant à moi, c’est tout différent, et je ne puis décider quelle route je dois suivre avant d’avoir une entrevue avec le général, où, je pense, il finira par avouer qu’il n’a mis en avant cette offensante stipulation que pour nous éprouver : c’est tout-à-fait sa manière ; car il est émoussé, lui, et ne voit, ne sent jamais cet honneur pointilleux que les braves du jour poussent jusqu’à la délicatesse. — Oh ! je lui accorde de bon cœur, dit Wildrake, de n’être pas vétilleux sur l’honneur et l’honnêteté ; mais, pour en revenir où nous étions, en supposant que vous renonciez à demeurer