Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/147

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ne pouvait être forcé à danser, à chanter, à boire ou à manger, si son goût ne le portait pas à de tels divertissements ; personne non plus ne devait être contraint d’adorer le pouvoir créateur, que ce fût sous le nom d’Animus mundi, ou sous tout autre. L’intervention de la Divinité dans les affaires de ce monde, il la niait absolument, et c’était prouver, à sa propre satisfaction, que cette idée n’avait pour fondement qu’une ruse de prêtre. Bref, sauf cette exception métaphysique, M. Josué Bletson de Darlington, membre du parlement pour le banc de Little-Greed[1], était aussi près de prêcher l’athéisme qu’il est possible de le faire ; nous y mettons cependant toutes les restrictions nécessaires, car nous connaissons bien des gens comme Bletson, quoique leurs craintes ne soient sanctionnées par aucune croyance religieuse. Les démons, dit-on, croient et tremblent ; mais sur cette terre il y a bien des êtres qui, dans une situation pire même que celle des véritables enfants de la perdition, tremblent sans croire, et craignent même en blasphémant.

On doit en conclure tout naturellement que rien ne pouvait plus exciter le mépris de M. Bletson que les disputes entre les épiscopaux et les presbytériens, les presbytériens et les indépendants, les quakers et les brownistes, et toutes les sectes différentes qui avaient commencé la guerre civile, et qui en prolongeaient encore les désordres. C’était, disait-il, comme si les bêtes de somme allaient se quereller entre elles sur la mode de leurs licous ou de leurs bâts, au lieu de profiter d’une occasion favorable pour s’en débarrasser. Il avait coutume de faire d’autres remarques spirituelles et énergiques en temps et lieu, par exemple, au club appelé la Rota, fréquenté par Saint-John, et établi par Harrington pour la libre discussion des sujets politiques et religieux.

Mais lorsque Bletson était hors de cette académie ou de cette citadelle de la philosophie, il se gardait avec soin de porter son mépris pour le préjugé général en faveur de la religion et du christianisme plus loin qu’une objection couverte ou un ris moqueur. S’il trouvait occasion de causer en particulier avec un jeune homme ingénu et intelligent, il essayait quelquefois de faire un

  1. Mot formé de little, peu, et de creed, croyance : ce qui répond à peu de foi. a. m.