Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/139

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imprudent écuyer, ne trahît le secret de son entrevue avec le général. « Ce jeune homme extravague, dit-il ; il se rappelle qu’il rêva la nuit dernière que nous couchions ensemble dans la chambre de Victor Lee, dépendante des appartements du conservateur de la Loge. — Grand merci de l’à-propos, cher patron, » dit Wildrake en se penchant à l’oreille d’Éverard qui cherchait en vain à l’éloigner, « un fanatique n’a jamais été embarrassé pour mentir. — Vous aussi, digne colonel, vous parlez trop légèrement de ces terribles choses, surtout quand on a une mission aussi importante à accomplir, dit le ministre presbytérien. Croyez-moi, ce jeune homme a dû plutôt avoir une apparition dans cet appartement que faire un rêve stupide ; car j’ai toujours entendu dire qu’après la tour de Rosemomde, où Rosemonde se prostitua, et fut ensuite empoisonnée par la reine Éléonore, ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, la chambre de Victor Lee était l’endroit de la Loge de Woodstock le plus particulièrement affectionné par les mauvais esprits. Je vous prie, jeune homme, de me conter ce songe, cette vision. — De tout mon cœur, monsieur. » Puis se tournant vers son patron qui s’apprêtait à l’interrompre,

« Allons, monsieur, vous avez tenu la conversation pendant une heure, pourquoi n’aurais-je pas mon tour ? De par cette obscurité, si vous me contraignez au silence, je redeviens prédicateur indépendant, et je soutiendrai, en dépit de vous, que chacun doit être libre de juger des choses… Ainsi, mon révérend monsieur, je rêvais à un divertissement mondain appelé combat de taureaux, et il me semblait voir les chiens s’élancer dans l’arène aussi bravement que je l’ai jamais vu faire aux combats de Trilbury ; et j’ai cru aussi entendre dire à quelqu’un que le diable était venu assister à la fête. Eh bien, corbleu ! pensais-je, il me plairait fort de lancer un coup d’œil à sa majesté infernale. Je regardai donc. Il y avait un boucher habillé d’une étoffe de laine crasseuse avec son couteau au côté ; mais ce n’était pas le diable. Il y avait ensuite un Cavalier ivre, jurant sans cesse, plein de vanité, portant une veste brodée en or dans un état pitoyable ; un chapeau tout uni orné d’un petit plumet ; ce n’était pas encore le diable. Il y avait plus loin un meunier les mains couvertes de farine dont il avait volé jusqu’au moindre grain ; puis un cabaretier avec un tablier vert taché de vin dont chaque goutte était frelatée. Mais le vieux monsieur que je cherchais ne se trouvait pas au nombre de ces artisans d’iniquité. À la fin, j’ai aperçu un grave personnage ayant les cheveux pres-