Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/132

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En traversant les rues, le colonel fut salué par un grand nombre d’habitants inquiets, qui semblaient considérer son intervention comme la seule chance de sauver leur beau parc, ainsi que leurs droits communaux et particuliers, de la ruine et de la confiscation.

« De quelle apparition voulez-vous donc parler ? » demanda le colonel à ses compagnons en entrant dans le parc.

« Mais, colonel, dit le ministre, vous savez bien vous-même que Woodstock, a toujours été fréquenté par des esprits ! — J’y ai vécu bien des années cependant, et je sais que je n’en ai jamais vu la moindre apparence, quoique les oisifs parlassent de la Loge comme ils le font de tous les vieux châteaux, et qu’ils évoquent des esprits et des spectres pour tenir la place des grands personnages qui les ont jadis habités. — Ah ! ah ! cher colonel, reprit le ministre, j’espère que vous n’êtes pas entaché du péché dominant aujourd’hui, et que vous ne vous montrez pas incrédule lorsque des apparitions vous sont si clairement démontrées, surtout lorsque tout le monde, à l’exception des athées et des défenseurs de la sorcellerie, y croit sincèrement. — Je ne voudrais pas révoquer en doute ce qu’on croit si généralement, dit le colonel ; mais je suis, par caractère, peu disposé à écouter les histoires de ce genre que l’on m’a contées, et que ma propre expérience n’est jamais venue confirmer. — Bah ! vous pouvez cependant m’en croire, dit Holdenough ; il y eut toujours dans ce Woodstock un démon d’une espèce ou d’une autre. Il n’est pas un homme, pas une femme dans la ville qui n’ait entendu parler des apparitions qui ont eu lieu dans la forêt ou à l’entour du vieux château. Parfois c’est une même de chiens que l’on entend ; les ohé ! les holà ! d’un chasseur ; le son des cors ; le galop d’un cheval qui retentit d’abord dans le lointain, et puis tout près de vous… et de temps à autre, c’est un chasseur solitaire qui vous demande si vous pouvez lui dire de quel côté le cerf s’est retiré. Il est toujours habillé de vert ; mais la coupe de ses vêtements était à la mode il y a bien cinq cents ans. C’est ce que nous appelons Dœmon meridianum… le Spectre du Midi. — Mon digne et révérend monsieur, répondit le colonel, j’ai passé bien du temps à Woodstock, et j’ai traversé le parc à toute heure. Croyez-moi, ce que vous en disent les paysans n’est que le résultat de leur oisive folie et de leur superstition. — Colonel, répliqua Holdenough, une négation ne prouve rien. Je vous demande pardon, mais, parce que vous ne vîtes jamais rien, est-ce une raison pour rejeter le témoignage d’une vingtaine de personnes qui l’ont vu ?…