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« Le 1er novembre, des lumières furent placées dans toutes les parties de la chambre, et on y alluma un grand feu. À minuit, ces lumières brûlaient encore ; un bruit comme celui du canon fut entendu dans la chambre, et les bûches de bois enflammées furent roulées près des lits ; si les commissaires n’avaient point appelé Giles et ses camarades, la maison eût été certainement brûlée. Une heure après disparurent les lumières comme de coutume ; on entendit le bruit de plusieurs canons, et plusieurs seaux pleins d’eau puante furent jetés près des lits des commissaires ; il y eut aussi de grosses pierres roulées comme auparavant ; les rideaux des lits furent déchirés, et les bois de lit disloqués ; les vitres furent de même et réellement brisées, à tel point que tout le voisinage fut alarmé du bruit, jusqu’à des lapins maraudeurs qui, cette nuit hors de la garenne, furent tellement effrayés qu’ils prirent la fuite en laissant leurs furets bien loin derrière eux.

« Un des commissaires parla cette même nuit, et demanda au nom de Dieu pourquoi on les troublait ainsi. Il n’obtint aucune réponse ; toutefois le bruit cessa pour un moment, mais l’esprit revint bientôt avec d’autres pires que lui. Un des domestiques alluma une grande chandelle et la plaça sur le seuil de la porte entre les deux chambres, afin qu’il pût voir ce qui se passerait ; comme il la surveillait[1], il aperçut distinctement un sabot qui poussa la chandelle et le chandelier dans le milieu de la chambre, et qui fit ensuite trois grattages à la mèche pour l’enlever. Là-dessus la même personne fut assez hardie pour tirer une épée ; mais l’arme était à peine hors du fourreau, qu’une main invisible montra une autre épée et la dirigea contre le domestique en le frappant si violemment sur la tête avec le pommeau, qu’il se crut mort. À cet instant l’on entendit un nouveau fracas, semblable à la décharge d’une bordée d’un vaisseau de guerre, et ce bruit fut répété, à une ou deux minutes d’intervalle, jusqu’à dix-neuf fois, ce qui ébranla tellement la maison que les autres s’attendaient à tout moment à la voir crouler sur leurs têtes. Les voisins furent épouvantés, et accourant au logis ils se mirent en prières en chantant des psaumes dans une chambre pendant que le bruit continuait dans les autres, et que le canon y faisait des décharges, bien que pas une âme ne s’y trouvât. »

Le docteur Plot termine sa relation de ce mémorable événe-

  1. Probablement que ce rôle de comédie était rempli par Giles Sharp, qui était ici le fantôme ou voyant régulier habituel.