Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/89

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cupait ne fussent précipités par le vent, ou par le balancement de la corde, contre les flancs rocailleux du précipice. Mais pour diminuer le risque autant que possible, le marin expérimenté avait descendu avec le fauteuil une autre corde qui y étant attachée et tenue par les personnes restées au dessous, pouvait servir de corde de retenue et devait rendre le transport plus régulier et plus sûr. Cependant pour se commettre dans une machine semblable, au milieu du déchaînement de la tempête, battu par les vents et la pluie, avec un rocher inaccessible au dessus de sa tête et un abîme sans fond sous ses pieds, il fallait ce courage qui ne peut naître que du désespoir. Néanmoins, quelque menaçante que fût de tous côtés la perspective du danger, et quelque incertain et périlleux que parût ce moyen de salut, Lovel et le vieux mendiant, après s’être consultés un moment, et après que le premier, par un effort vigoureux et au risque de sa vie, se fut assuré de la solidité de la corde, convinrent que le mieux était d’attacher miss Wardour dans le fauteuil, et de s’en fier aux soins et à l’affection de ceux qui venaient à son secours pour la transporter saine et sauve sur la cime du rocher.

« Que mon père parte le premier ! s’écria Isabelle ; pour l’amour de Dieu ! mes amis, prenez d’abord soin de lui.

— C’est impossible, miss Wardour ; il faut d’abord s’assurer de votre vie. La corde qui peut supporter votre poids pourrait…

— Non, je ne céderai pas à un tel sentiment d’égoïsme !

— Mais il faut y céder, ma bonne demoiselle, dit Ochiltree ; car notre vie à tous en dépend. Et puis quand vous arriverez là-haut, vous pourrez les mettre au courant de notre situation dans ce lieu, car je crois qu’en ce moment sir Arthur n’en est pas capable. »

Frappée de la justesse de ce raisonnement, elle s’écria : « C’est vrai ! je suis prête et disposée à m’exposer la première au danger. Que dirai-je à nos amis là-haut ?

— De faire attention à ce que la corde n’effleure pas la surface du rocher, puis de baisser le fauteuil et de l’enlever d’une main ferme et sans dévier ; nous en donnerons le signal par des cris. »

Avec la tendre sollicitude que montre un père à son enfant, Lovel attacha miss Wardour, au moyen de son mouchoir, de sa cravate et de la ceinture de cuir du mendiant, au dos et aux bras du fauteuil, s’assurant bien de la solidité de chaque nœud, tandis qu’Ochiltree cherchait à tranquilliser sir Arthur qui s’écriait : « Que voulez-vous faire de mon enfant ? ne la séparez pas de moi ! Isabelle, reste avec moi, je te l’ordonne !