Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/85

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fit sir Arthur pour s’aider lui-même, à l’élever au dessus de la portée des flots.

La certitude d’être arrachés à une mort prochaine et inévitable eut sur eux son effet ordinaire ; le père et la fille se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, s’embrassèrent et pleurèrent de joie, quoique leur salut fût accompagné de la perspective de passer une nuit orageuse sur la saillie dangereuse d’un rocher qui présentait à peine assez d’espace pour les quatre infortunés qui, frissonnant et se rapprochant les uns des autres, semblables aux oiseaux de mer qui les entouraient, s’attachaient à ce lieu comme devant leur servir d’asile contre l’élément destructeur qui mugissait au dessous d’eux. Les flots écumeux qui atteignaient graduellement et d’une manière effrayante le pied du précipice, après avoir inondé la plage sur laquelle ils se tenaient quelques momens auparavant, s’élevaient aussi haut que leur lieu de refuge temporaire, et par le bruit étourdissant qu’ils faisaient en battant les flancs des rocs moins élevés, ils semblaient redemander les fugitifs d’une voix de tonnerre, comme des victimes qui leur étaient destinées. C’était, à la vérité, une nuit d’été ; cependant il semblait peu probable qu’un corps aussi délicat que celui de miss Wardour pût résister jusqu’au matin à cette inondation d’écume dont ses membres étaient trempés ; et le battement de la pluie qui tombait alors avec force, accompagnée de longs et violens tourbillons de vent, ajoutait à tout ce que leur position avait de dangereux et de pénible.

« La pauvre demoiselle ! la pauvre et bonne demoiselle ! dit le vieillard. J’ai passé plus d’une nuit semblable, exposé aux injures du temps ; mais Dieu nous soit en aide ! comment la supportera-t-elle ? »

Ces craintes avaient été communiquées à Lovel à demi-voix ; car par cette sorte d’instinct qui fait que les esprits fermes et entreprenans s’entendent et pour ainsi dire se reconnaissent au moment du danger, ils se sentaient l’un pour l’autre une confiance mutuelle. « Je vais gravir de nouveau le roc, dit Lovel ; il fait encore assez jour pour me guider, j’atteindrai la hauteur, et j’appellerai du secours.

— Allez, allez, pour l’amour du ciel ! dit sir Arthur d’un ton désespéré.

— Êtes-vous fou ? dit le mendiant. François de Fowlsheugh, le garçon le plus intrépide du pays pour gravir les rochers et cher-