Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/83

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nonça d’un ton solennel : « Dieu ait pitié de nous ! » et sir Arthur répéta d’un ton plaintif : « Mon enfant ! mon Isabelle ! périr d’une telle mort !

— Mon père ! mon bon père ! s’écria sa fille en s’attachant à lui ; et vous aussi, ajouta-t elle en regardant le mendiant, vous qui perdez la vie en essayant de sauver la nôtre !

— Elle ne vaut pas la peine d’être comptée, dit le vieillard ; j’ai assez vécu pour être las de la vie ; que ce soit ici ou là-bas, au bord d’un fossé, sur un tas de neige, ou dans le sein d’une vague, qu’importe comment le pauvre mendiant aura fini ?

— Bonhomme, dit sir Arthur, ne pouvez-vous trouver aucun moyen, aucun secours ? Je ferai votre fortune, je vous donnerai une ferme… je…

— Nos richesses seront bientôt égales, dit le mendiant contemplant les progrès des eaux ; elles le sont déjà, car je n’ai pas de terres, et vous donneriez vos champs fertiles et votre baronnie pour une toise carrée de rocher qui se conservât sèche pendant douze heures seulement. »

Tandis qu’ils échangeaient ces paroles, ils étaient arrêtés sur la plus haute saillie de rocher qu’ils eussent pu atteindre ; car il semblait qu’un effort de plus pour aller en avant n’eût servi qu’à hâter leur perte. Là, il ne leur restait donc plus qu’à attendre les progrès lents mais sûrs de l’élément furieux, ressemblant par là en quelque sorte à ces premiers martyrs de l’Église qui, exposés par des tyrans païens pour être livrés aux bêtes féroces, étaient forcés de contempler pendant quelque temps l’impatience et la rage qui agitaient ces animaux tandis qu’ils attendaient que le signal donné pour ouvrir leurs grilles leur permît de s’élancer sur leurs victimes.

Cependant cette pause terrible donna à Isabelle le temps de rassembler toutes les facultés d’un esprit naturellement ferme et courageux, et qui reprit de la force dans cette terrible conjoncture. « Faudra-t-il abandonner la vie, dit-elle, sans tenter un dernier effort ! n’y a-t-il pas de sentier, quel que soit le danger qu’il offre, par lequel nous puissions gravir le rocher, ou atteindre un point assez élevé au dessus de la mer pour que nous puissions y rester jusqu’au matin, ou du moins jusqu’à ce qu’il vienne du secours ? On doit connaître notre situation, et tout le pays viendra bientôt à notre aide. »

Sir Arthur, qui entendit, mais presque sans la comprendre, la