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cessaire. Sous la douce influence d’Isabelle, son père oubliait les outrages faits à l’honneur de la reine Marie, et M. Oldbuck pardonnait les blasphèmes qui avaient flétri la mémoire du roi Guillaume. Cependant comme, dans ces discussions, Isabelle prenait d’ordinaire en plaisantant le parti de son père, Oldbuck l’appelait habituellement sa belle ennemie, quoiqu’il fît plus de cas d’elle que de toute autre de son sexe, dont, comme nous l’avons déjà vu, il n’était pas l’admirateur.

Il y avait entre ces deux dignes gentilshommes un autre point qui avait alternativement une influence attractive ou répulsive sur leur intimité. Sir Arthur avait toujours besoin d’argent ; M. Oldbuck n’était pas toujours disposé à en prêter. M. Oldbuck, per contra, voulait toujours être remboursé avec exactitude ; sir Arthur n’était pas toujours, ni même souvent préparé à satisfaire ce désir fort raisonnable ; et, dans les arrangemens qui avaient lieu entre gens de penchans si opposés, il survenait de temps en temps de petites contestations. Cependant un esprit d’accord mutuel dominait au total, et ils allaient leur train comme des chiens attachés par couple, non sans peine et sans montrer quelquefois les dents, mais sans en venir à s’arrêter tout court et à se prendre à la gorge.

Une légère brouille telle que celle dont nous venons de parler, provenant d’affaires où de politique, avait divisé les maisons de Knockwinnock et de Monkbarns jusqu’au moment où l’envoyé de cette dernière se présenta pour remplir sa commission. Le baronnet était assis dans un ancien parloir gothique dont les croisées donnaient d’un côté sur le mobile Océan, et de l’autre sur la longue et droite avenue du château : il tournait alternativement les feuillets d’un in-folio, ou jetait un regard ennuyé sur le feuillage d’un vert sombre où se jouaient les rayons du soleil, ou sur la tige lisse et polie des hauts et épais tilleuls dont l’avenue était plantée. Tout-à-coup, ô spectacle agréable ! un objet vivant vient à paraître, et son aspect donne lieu aux questions ordinaires : Qui est-il et que vient-il faire ? Le vieil habit d’un gris blanchâtre, la démarche boiteuse, le chapeau moitié rabattu, moitié retroussé, firent bientôt reconnaître le vieux perruquier délaissé, et ne permirent plus de doute que sur le second point, qui fut lui-même bientôt éclairci par l’entrée d’un domestique dans le parloir, avec une lettre de Monkbarns.

Sir Arthur prit la lettre avec toute l’importance et la dignité convenables.

« Emmenez ce vieillard à la cuisine, et faites-le rafraîchir, » dit