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— Autrefois je l’aurais appelé Lovel ; mais il paraît maintenant qu’il est devenu le major Neville.

— Celui que mon frère a élevé comme son fils naturel, qu’il a nommé son héritier. Dieu de bonté, c’est l’enfant de mon Éveline !

— Arrêtez, milord, un moment, dit Oldbuck, ne vous livrez pas trop à la hâte à une telle supposition : quelle probabilité y a-t-il ?

— Ce n’est pas une probabilité, mais c’est une certitude absolue. J’ai reçu hier une lettre de l’agent dont je vous ai parlé et qui m’apprend toute cette histoire. Ce n’est que d’hier seulement que je sais tout ; mais pour l’amour du ciel ! monsieur Oldbuck, amenez-le-moi, que son père puisse attacher sur lui ses yeux, et le bénir avant d’expirer.

— Certainement ; mais dans votre intérêt à tous deux, donnez-moi quelques momens pour le préparer. »

Il sortit bien déterminé à prendre des renseignemens plus exacts avant de se laisser aller à la conviction d’un fait si étrange, et trouva le major Neville qui expédiait les ordres nécessaires pour disperser les forces qui s’étaient assemblées.

« Faites-moi le plaisir, major Neville, d’abandonner un moment cette besogne aux soins du capitaine Wardour et d’Hector, avec lequel j’espère que vous êtes maintenant tout-à-fait réconcilié (Neville se mit à rire et tendit la main à Hector de l’autre côté de la table), et veuillez, je vous prie, m’accorder un moment d’audience.

— Vous avez droit de disposer de moi, monsieur Oldbuck, quand l’affaire qui m’occupe serait plus urgente encore, répondit Neville ; je n’ai pas oublié que je vous ai abusé par un nom supposé et que j’ai récompensé votre hospitalité en blessant votre neveu.

— Vous l’avez traité comme il le méritait, dit Oldbuck, quoique je doive convenir en passant qu’il a montré aujourd’hui autant de bon sens que de courage. Ma foi, s’il voulait étudier un peu et lire César et Polybe et les Stratagemata Polyœni[1], je crois qu’il avancerait dans l’armée, et je l’épaulerai certainement.

— Il en est tout-à-fait digne, répondit Neville. Je vous remercie pour mon compte de l’indulgence que vous m’accordez, et que je mérite d’autant plus peut-être que je n’ai pas le bonheur de posséder plus de droits au nom de Neville par lequel je suis généralement distingué, que celui de Lovel sous lequel vous m’avez connu.

— En vérité ? en bien il faudra donc que nous vous en cher-

  1. Les stratagèmes de Polyen. Polyen était un avocat grec qui exerçait à Rome sous le règne de Marc-Aurèle. a. m.