Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/41

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tait un in-folio ; un autre parce que c’était un in-douze ; quelques uns parce qu’ils étaient longs, quelques autres parce qu’ils étaient courts. Le mérite de celui-ci était dans le titre, de celui-là dans l’arrangement des lettres du mot finis ; enfin il semblait qu’il n’y eût pas de marque particulière, quelque insignifiante ou légère qu’elle fût, qui ne pût donner du prix à un volume, pourvu que la qualité indispensable de la rareté y fût attachée.

Non moins magique était la feuille saillante ou bordée[1] contenant Les dernières paroles… ou L’abominable assassinat… Le meurtre sanglant… La merveille des merveilles, dans sa condition déchirée, telle qu’elle avait été criée primitivement dans les rues et vendue pour la somme modique et facile à réaliser d’un penny, quoique valant maintenant en or le poids de ce penny. Notre Antiquaire s’étendait avec transport sur ces objets, et lisait d’une voix ravie les titres élaborés qui étaient à peu près, en proportion de leur contenu, ce que sont pour la grosseur les animaux représentés sur l’enseigne d’une baraque de la foire à ceux qu’on montre au dedans. M. Oldbuck, par exemple, se piquait de posséder un imprimé unique, intitulé Nouvelles étranges et merveilleuses de Chippeng Norton, dans le comté d’Oxford ; de certaines apparitions terribles qui ont été vues dans l’air, le 26 juillet 1610, à neuf heures et demie du matin, et qui ont continué jusqu’à onze, pendant lequel temps on a vu plusieurs épées flamboyantes, d’étranges mouvemens dans les sphères supérieures à la lueur étincelante et extraordinaire des étoiles, et leur sinistre continuation, avec la description de la manière dont le ciel s’est ouvert et des singulières choses qui s’y sont montrées ; accompagné d’autres circonstances prodigieuses dont on n’a jamais entendu parler dans aucun siècle, au grand étonnement de ceux qui en ont été témoins, et selon la communication qui en a été donnée dans une lettre à un certain M. Colley, demeurant à Westsmithfield[2], et qui a été attestée par Thomas Brown, Élisabeth Greenaway et Anne Gutheridge, spectateurs ou témoins desdites terribles apparitions. Et si quelqu’un désire s’assurer davantage de la vérité de cette relation, qu’il s’adresse à M. Nightingale, à l’auberge de l’Ours, dans Westsmithfield, où il obtiendra toute satisfaction[3].

  1. Broad-side, dit le texte ; mot qui exprime une bordée ou décharge de canons d’un vaisseau sur tout un côté. L’auteur anglais applique ici cette métaphore à une kyrielle de mots criés dans les rues. a. m.
  2. Grand marché des bestiaux à Londres. a. m.
  3. Walter Scott possédait un exemplaire de cette pièce curieuse, qu’il appelle le Broad-side. a. m.