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faite à chacun. La mémoire de cette jeune dame infortunée a trop longtemps souffert, et je crois qu’elle pourrait être justifiée sans charger celle de votre mère, autrement qu’en donnant à entendre dans le monde qu’elle s’était opposée à ce mariage avec acharnement. Vous m’excuserez, milord, mais tous ceux qui ont entendu parler de la comtesse de Glenallan apprendront cela sans beaucoup de surprise.

— Mais vous oubliez une circonstance terrible, dit le comte d’une voix agitée.

— Laquelle ? demanda l’Antiquaire.

— Le sort de l’enfant, sa disparition avec la femme de confiance de ma mère, et les affreuses conjectures qu’on doit former d’après la conversation que j’ai eue avec Elspeth.

— Si vous voulez que je vous donne franchement mon opinion, dit Oldbuck, et que vous ne la saisissiez pas avec trop d’avidité comme un motif d’espoir, je vous dirai que je crois fort possible que votre enfant existe ; car je suis parvenu à m’assurer par les enquêtes que je fis sur l’événement de cette terrible soirée, qu’une femme et un enfant avaient été emmenés cette nuit-là même de la chaumière de Craigburnsfoot, dans une voiture attelée de quatre chevaux, par votre frère Édouard Geraldin Neville, dont je suivis les traces pendant quelques postes sur la route d’Angleterre avec ses compagnons de voyage. Je crus dans le temps que l’un des projets de ce complot de famille était d’emmener un enfant que vous vouliez frapper d’illégitimité, hors d’un pays où le hasard aurait pu lui faire trouver des protecteurs et des preuves de ses droits. Mais mon avis est maintenant que votre frère ayant lieu de croire comme vous l’enfant souillé d’une honte plus indélébile, l’avait soustrait en partie par égard pour l’honneur de sa maison, et en partie à cause du risque qu’il aurait pu courir dans le voisinage de lady Glenallan. »

Pendant qu’il parlait, le comte était devenu extrêmement pâle ; il semblait près de tomber de son siège ; l’Antiquaire alarmé courait çà et là chercher des remèdes, mais son muséum, quoique rempli d’un assez grand nombre d’articles inutiles, ne contenait rien qui fût bon à quelque chose dans cette occasion, ou même dans d’autres. Tout en courant hors de la chambre pour aller demander les sels de sa sœur, il ne put s’empêcher de se laisser aller à son caractère et de s’échapper en murmures chagrins et en expressions d’étonnement sur les divers accidens qui avaient converti sa maison, d’abord en une sorte d’hôpital pour un duelliste blessé, et qui la