Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/353

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frent les voyages dans des climats barbares et lointains, m’enfoncer dans les intrigues de la politique, ou m’ensevelir dans l’austère retraite des monastères de notre religion. Tous ces projets ont alternativement occupé mon imagination, mais chacun eût demandé pour l’exécuter une énergie dont mon âme n’était plus capable, après le coup accablant qui l’avait flétrie. Je végétai comme je pus dans le même lieu, tandis que l’imagination, la sensibilité, le jugement et la santé déclinaient graduellement en moi, de même que dégénère un arbre dont l’écorce a été détruite ; ses fruits tombent d’abord, puis ses rameaux, jusqu’à ce qu’enfin il devienne en tout semblable au tronc déchu et expirant qui est maintenant devant vous. M’accordez-vous maintenant pitié et pardon ?

— Milord, répondit l’Antiquaire fort affecté, ce n’est pas à vous de demander ma pitié, mon pardon, car votre triste histoire explique non seulement tout ce qui m’avait paru dans le temps mystérieux et suspect, mais c’est un récit capable d’arracher à vos plus cruels ennemis, et jamais je ne fus de ce nombre, des larmes de compassion. Permettez-moi cependant de vous demander ce que vous comptez faire, et pourquoi vous m’avez honoré, moi, dont l’opinion a si peu d’importance, de votre confiance dans cette occasion.

— Monsieur Oldbuck, répondit le comte, comme je n’aurais jamais pu prévoir la nature de l’aveu qui m’a été fait aujourd’hui, je n’ai pas besoin de vous dire que je n’avais pas formé le projet de vous consulter, vous ou tout autre, sur des événemens que je ne pouvais pas même soupçonner ; mais je suis sans amis, sans habitude des affaires, et, par ma longue retraite, également ignorant des lois du pays et des usages de la génération actuelle ; me trouvant donc inopinément plongé dans les affaires que je connais le moins, je saisis, comme un homme qui se noie, le premier appui que je rencontre. C’est vous qui êtes cet appui, monsieur Oldbuck ; je vous ai toujours entendu citer comme un homme plein de sagacité et de prudence, je vous ai connu moi-même un esprit ferme et indépendant, et il y a une circonstance qui doit en quelque sorte nous rapprocher, c’est d’avoir tous deux rendu le même hommage aux vertus de l’infortunée Éveline. C’est vous que j’ai rencontré au moment du besoin, vous qui connaissiez déjà mes malheurs ; c’est donc à vous que je demande consolations, conseils et secours.

— Vous ne les demanderez pas en vain, milord, dit Oldbuck, autant du moins que mes faibles moyens pourront s’étendre, et je