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elle en me présentant une aiguille d’or, l’or seul doit répandre le sang d’un Glenallan… Cet enfant est déjà compté parmi les morts, puisque Theresa et toi connaissez seules son existence ; disposez-en d’une manière dont vous ne répondrez qu’à moi… » À ces mots, elle s’éloigna avec fureur, et me laissa cette aiguille dans la main. La voici : avec la bague de miss Neville, c’est tout ce qui m’est resté de tant de biens si mal acquis ; car les biens ne me manquèrent pas après cela ; et si j’ai si bien gardé le secret, ce n’est pourtant pas à cause de son or et de ses présens. »

Sa main sèche et décharnée tendit à lord Glenallan une aiguille d’or qu’il s’imagina voir dégouttante du sang de son enfant.

« Misérable ! eûtes-vous bien le cœur ?…

— Je ne sais si je l’aurais eu ou non… Je retournai dans ma chaumière sans sentir la terre que je foulais sous mes pieds ; mais Theresa et l’enfant n’y étaient plus, tout ce qui était vivant avait disparu, rien ne restait que le corps mort.

— Et n’avez-vous jamais appris le sort de mon enfant ?

— Je ne puis que le deviner. Je vous ai dit quelles étaient les intentions de votre mère. Theresa était un démon. On ne la revit jamais en Écosse, et j’ai appris qu’elle était retournée dans son pays. Un voile épais a couvert le passé, et le petit nombre de personnes qui en surent quelque chose, ne purent conjecturer que vaguement une séduction et un suicide. Vous-même…

— Je le sais,… je sais tout ce qui suivit, dit le comte.

— Vous savez en effet tout ce que j’avais à vous dire… Et maintenant, héritier de Glenallan, pouvez-vous me pardonner ?

— Demandez votre pardon à Dieu, et non aux hommes, dit le comte en s’éloignant.

— Et comment demanderai-je à un être parfait et sans tache ce qui m’est refusé par un pécheur comme moi ? Si j’ai péché, n’ai-je pas souffert ? Ai-je eu un seul jour de paix, une heure même de calme, depuis que ces longues tresses de cheveux mouillés d’eau salée reposèrent sur mon oreiller à Craigburnsfoot ?… Ma maison n’a-t-elle pas été brûlée avec mon enfant dans son berceau… ? Mes barques n ont-elles pas été submergées, tandis que toutes les autres résistaient aux vents… ? Ceux qui m’appartenaient et qui m’étaient chers n’ont-ils pas participé au châtiment de mon crime… ? Le feu, l’air et l’eau, ne se sont-ils pas réunis pour y contribuer… ? Oh ! ajouta-t-elle avec un gémissement prolongé, et levant d’abord les yeux au ciel, puis les abaissant sur le plancher ; oh ! pourquoi