Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/32

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et le savoir-vivre du vieux gentilhomme, il avait remarqué dans ses manières et son langage avec lui, un air de supériorité que la différence d’âge ne lui semblait pas justifier entièrement. Il attendit donc que son bagage fût arrivé d’Édimbourg, afin de pouvoir s’habiller à la mode du jour, et que son extérieur répondît au rang qu’il tenait, ou auquel il croyait avoir droit dans la société.

Ce fut le cinquième jour après son arrivée que, s’étant fait donner les renseignemens nécessaires sur la route qu’il devait prendre, il partit pour aller saluer le propriétaire de Monkbarns. Un sentier qui traversait une colline couverte de bruyères et deux ou trois prairies le conduisit à son habitation, située sur le revers opposé de cette colline, et dominant une belle vue de la baie et des vaisseaux qu’elle contenait, séparée de la ville par la même élévation du terrain, qui la protégeait aussi contre les vents du nord. Cette maison avait un air de solitude et d’isolement ; l’extérieur avait fort peu d’apparence : c’était un bâtiment irrégulier, d’un goût ancien, dont quelques parties avaient appartenu à une grange ou à une ferme écartée, occupée par le bailli ou par l’économe du monastère, quand cet endroit se trouvait en la possession des moines. C’était là que la communauté conservait le grain qu’elle recevait de ses vassaux comme une redevance territoriale ; car, avec la prudence qui distinguait leur ordre, tous les revenus du couvent étaient payés en nature, et de là vint, comme le propriétaire se plaisait à le dire, le nom de Monkbarns[1]. Les habitans laïques qui succédèrent avaient fait plusieurs additions à ce qui restait de la maison du bailli, en raison des besoins de leurs familles ; et comme ces travaux avaient été exécutés avec un mépris égal pour les commodités intérieures et la régularité des dehors de l’architecture, l’ensemble ressemblait assez à un hameau qui s’était soudainement arrêté au milieu d’une danse champêtre conduite par la musique d’Orphée ou d’Amphion. Le bâtiment était entouré de hautes haies taillées d’ifs et de houx, et dont quelques unes offraient encore un échantillon de l’habileté de l’artiste topiarien[2], et représentaient des fauteuils bizarres, des tours et des figures de saint George avec le dragon. Le goût de M. Oldbuck n’avait pas troublé ces monumens d’un art maintenant inconnu, et il avait été d’autant

  1. Mot qui veut dire grange des moines. a. m.
  2. L’Ars topiaria (l’art de tailler les haies et de leur donner des formes fantastiques), tel est, dit Walter Scott, le titre d’un poème latin qui contient une description curieuse de ce procédé. a. m.