Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/28

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avait contracté une certaine irritabilité de caractère provenant en partie, disait-on, d’un désappointement amoureux qu’il avait éprouvé dans sa jeunesse, et qui, selon lui, l’avait rendu misogame[1], mais plus particulièrement parce qu’il était gâté par les attentions et les soins auxquels l’avaient habitué la vieille fille sa sœur, et sa nièce orpheline, qu’il avait accoutumées à le regarder comme le plus grand homme de la terre, et qu’il vantait comme les seules femmes de sa connaissance qui fussent bien dressées et soumises au frein de l’obéissance ; ce qui n’empêchait pas que miss Grizzy Oldbuck ne se permît quelquefois de regimber lorsqu’il lui arrivait de tenir les rênes trop serrées. Cette histoire achèvera de faire connaître son caractère, et nous terminons avec plaisir la tâche fastidieuse des explications.

Pendant le dîner, M. Oldbuck, poussé par la même curiosité qu’avait éprouvée à son égard son compagnon de route, fit quelques avances que son âge et sa position lui permettaient de rendre plus directes, pour connaître le nom, le rang, et la destination du jeune étranger.

Le jeune homme répondit que son nom était Lovel.

« Quoi ! le chat, le rat, et notre chien Lovel ! Descendait-il du favori du roi Richard[2] ?

— Il n’avait aucun droit, dit-il, à se donner pour un chien de cette race. Son père était du nord de l’Angleterre. Quant à lui, il se rendait actuellement à Fairport, la ville voisine de Monkbarns ; et si cet endroit lui plaisait, il y passerait peut-être quelques semaines.

— L’excursion de M. Lovel n’avait-elle d’autre but que le plaisir ?

— Pas entièrement.

— Il avait peut-être affaire à quelques uns des négocians de Fairport ?

  1. Mot formé du mot grec μὶσος, haine, et γάμος, mariage ; ce qui revient à « ennemi des femmes ou du mariage. » a. m.
  2. Nous emprunterons à la première traduction de l’Antiquaire une note renfermant l’explication de ce passage :
    « Sous le règne de Richard III, un nommé Collinbourne fit les deux vers suivans :

    « A rat, a cat and Lovel our dog
    Rule all England under a hog. »

    Ce qui veut dire : « Le rat était Ratcliffe : le chat, Catesby ; et lord Lovel était nommé en toutes lettres, parce que c’était alors fréquemment un nom de chien. Quant au porc, c’était Richard lui-même. Ce distique contre le roi et ses favoris fit punir l’auteur de la peine de mort. a. m.