Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/273

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l’est, ses idées étaient encore si confuses qu’il hésita quelque temps avant de s’assurer du côté où il devait se tourner pour la trouver. Dans cette perplexité, les terreurs de la superstition, auxquelles les ténèbres et une conscience coupable donnaient une nouvelle force, vinrent effrayer derechef son imagination troublée. « Bah ! se dit-il bravement à lui-même, ce ne sont que des sottises ; tout cela vient de cette maudite imposture. Comment diable ce baronnet écossais, à la tête épaisse, que je mène par le nez depuis cinq ans, a-t-il pu se jouer ainsi d’Herman Dousterswivel ? »

Il achevait cette réflexion, lorsque arriva un incident fait pour ébranler de nouveau son courage. Au milieu des derniers gémissemens du vent et du bruit mélancolique produit par la pluie qui tombait sur les feuilles et sur les ruines, il lui sembla entendre tout-à-coup, et non loin de lui, le chœur d’une musique vocale, si triste et si solennelle, qu’il paraissait être celui des plaintes des esprits qui avaient appartenu aux anciens propriétaires de ces ruines désertes, et qui pleuraient maintenant la solitude et l’abandon de leur enceinte sacrée. Dousterswivel, qui se trouvait encore une fois sur ses jambes et qui tâtonnait le long du mur de l’église, sentit ses pieds s’attacher à la terre par l’effroi que lui causa ce nouveau phénomène. Toutes les facultés de son âme semblèrent, pour un moment, concentrées dans le sens de l’ouïe, et toutes s’accordaient pour le convaincre que le chant lugubre et prolongé qu’il entendait était la musique consacrée à une des hymnes funèbres les plus solennelles de l’église de Rome. Mais pourquoi et par qui était-elle chantée au sein d’une telle solitude ? C’était une question que l’imagination frappée de l’adepte, en proie à mille terreurs et remplie de toutes les superstitions allemandes, n’osait pas même se faire.

Un autre de ses sens vint bientôt prendre part à cet examen. À l’une des extrémités de l’église, au bas d’un escalier de quelques marches, était une petite porte de fer grillée, qui ouvrait, autant qu’il pouvait s’en souvenir, sur une espèce de salle voûtée ou de sacristie. En portant les yeux du côté d’où partaient les chants, il remarqua le relief d’une lueur rougeâtre à travers la grille et sur les degrés qui y descendaient. Dousterswivel resta un moment incertain sur ce qu’il devait faire ; puis tout-à-coup, prenant une résolution désespérée, il se mit à marcher vers le lieu d’où venait la lumière.

Fortifié par un signe de croix, et par autant d’exorcismes que put lui en fournir sa mémoire, il s’avança vers la grille, à travers laquelle il pouvait sans être vu, regarder tout ce qui se passait dans