Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/272

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tenu là, et dans quel but. À mesure que la mémoire lui revint, il ne put concevoir de doute que l’appât que lui avait présenté Ochiltree pour l’attirer dans un lieu aussi solitaire, les sarcasmes par lesquels il l’avait provoqué à une querelle, et le prompt secours qui s’était trouvé là si à propos pour la terminer, ne fussent autant de combinaisons d’un plan concerté pour attirer honte et dommage sur la personne d’Herman Dousterswivel. Il lui parut peu probable qu’il eût l’obligation de la fatigue, de la peur et des coups qu’il lui avait fallu endurer, à la malice du seul Ochiltree, et conclut que le mendiant n’avait joué que le rôle qui lui avait été assigné par un personnage plus important. Il balançait dans ses soupçons entre Oldbuck et sir Arthur Wardour. Le premier n’avait jamais cherché à cacher l’aversion qu’il avait pour lui ; mais il avait fait tant de mal au dernier, que, quoiqu’il ne pensât pas que toute l’étendue lui en fût encore connue, il pouvait facilement supposer qu’il en avait appris assez pour être animé du désir de vengeance. Ochiltree aussi avait fait allusion à une circonstance que l’adepte avait lieu de croire particulière à sir Arthur et à lui, et que le mendiant n’avait pu apprendre que du premier. Il se rappelait aussi que le langage qu’Oldbuck lui avait tenu annonçait une conviction de sa friponnerie, et que sir Arthur l’avait entendu sans mettre aucune vivacité à le défendre. Enfin, la manière dont Dousterswivel supposait que le baronnet avait exercé sa vengeance, n’était nullement incompatible avec les usages des pays étrangers, que l’adepte connaissait mieux que ceux du nord de la Grande-Bretagne. Chez lui, comme chez la plupart des méchans, le soupçon d’une injure était toujours accompagné de projets de vengeance ; et Dousterswivel n’eut pas plus tôt recouvré l’usage de ses jambes, qu’il jura la ruine de son bienfaiteur, événement que malheureusement il n’avait que trop le moyen d’accélérer.

Mais, quoique le dessein de se venger se fût présenté à son esprit, ce n’était pas le moment de se livrer à de semblables réflexions. L’heure, le lieu, l’état où il se trouvait, et peut-être la présence et le voisinage de ses assaillans, exigeaient d’abord qu’il s’occupât de sa propre sûreté. La lanterne avait été renversée et éteinte dans la bagarre. Le vent, qui gémissait auparavant avec tant de violence à travers les ailes du bâtiment ruiné, apaisé par la pluie, était presque entièrement tombé. La lune aussi, par la même cause, était complètement obscurcie ; et quoique Dousterswivel connût assez les ruines, et qu’il sût qu’il devait chercher à gagner la porte de