Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/212

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tout des bontés de son oncle : la seule différence qu’il y ait entre nous, c’est que l’un cherche la fortune par terre, et l’autre par mer, ce qui revient, je crois, à peu près au même.

— Absolument, répondit Lovel.

— Eh bien donc, dit son nouvel allié, nous dînerons ensemble et nous conviendrons de tous nos arrangemens. J’espère que vous connaissez le maniement de l’arme ?

— Non pas précisément, reprit Lovel.

— J’en suis fâché, car on dit que Mac Intyre est un bon tireur.

— J’en suis fâché aussi et pour lui et pour moi. Il faut que je tâche alors, pour ma propre défense, de viser de mon mieux.

— Et moi, je vais avertir notre aide-chirurgien qu’il se rende à l’endroit indiqué ; c’est un bon garçon, et habile à réparer le dommage causé par une balle : je préviendrai aussi Lesley qu’il sera là tout prêt à la disposition des deux parties en cas d’accident. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ?

— J’ai peu de chose à vous demander, dit Lovel ; ce petit paquet contient la clef de mon secrétaire, qui renferme mes papiers secrets. Il y a une lettre dans le secrétaire (ici sa voix trahit le gonflement involontaire de son cœur) que je vous demande comme une grâce de vouloir bien remettre vous-même…

— Je vous entends, dit le marin ; non, mon ami, ne rougissez pas de cela : une larme donnée au souvenir d’un tendre attachement, fût-ce même au moment d’une action, ne déshonore pas un homme sensible. Croyez-moi, quelles que soient vos injonctions, Daniel Taffril les respectera comme les dernières volontés d’un frère mourant. Mais quelles sottises ! Allons, il faut s’occuper de tout mettre en état pour le combat, et vous dînerez avec moi et mon petit chirurgien aux Armes de Grœme, de l’autre côté de la rue, à quatre heures.

— Je le veux bien, dit Lovel.

— C’est convenu, dit Taffril ; et ils se séparèrent, l’affaire ainsi réglée.

C’était une belle soirée d’été, et l’ombre du solitaire buisson d’épines s’étendait insensiblement sur la verte pelouse de l’étroite vallée bordée par les bois qui entouraient l’abbaye de Saint-Ruth.

Lovel et le lieutenant Taffril, accompagnés du chirurgien, se rendirent sur le pré avec des intentions bien opposées au caractère calme, touchant et paisible que respiraient l’heure et le lieu. Les moutons qui, pendant la chaleur brûlante du jour, s’étaient retirés