Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/154

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êtes pas ; c’est quelque chose qui est tiré d’une de ces chansons de marin où il est question d’être fidèle comme l’aiguille[1] l’est au pôle ; je me souviens de la lui avoir entendu chanter.

— Bon, bon, je souhaite que cela soit ainsi, mais vous conviendrez que cela n’est pas beau à une jeune fille comme elle d’être en correspondance avec un officier au service du roi.

— Je ne dis pas le contraire, répondit mistriss Mailsetter ; mais il faut convenir que les lettres d’amour sont d’un bon rapport à l’administration de la poste. Voyez, voilà cinq ou six lettres pour sir Arthur Wardour, la plupart fermées avec des pains à cacheter et non de la cire. Croyez-moi, il y aura bientôt du changement dans cette maison-là.

— Ce sont sans doute des lettres d’affaires, et nullement de ses amis les grands seigneurs, qui cachètent toujours avec leurs armoiries, comme ils les appellent, dit mistriss Heukbane. Cela finira mal ; l’orgueil de ces gens-là sera abaissé. Il n’a pas compté avec mon mari depuis un an, je soupçonne qu’il est coulé.

— Ni avec nous depuis six mois, dit mistriss Shortcake ; c’est un panier percé.

— Voilà une lettre, reprit la digne maîtresse de poste, qui vient de son fils le capitaine, à ce que je pense ; le cachet a les mêmes armes que celles qui sont sur la voiture des Knockwinnock : il va sans doute revenir pour voir ce qu’il pourra tirer du feu. »

Après avoir fini de s’occuper du baronnet, nos femelles entreprirent l’écuyer.

« Deux lettres pour Monkbarns ; elles viennent sans doute de quelques savans de ses amis : voyez comme l’écriture est serrée, il y en a jusqu’au cachet, et cela pour éviter un double port ; c’est bien comme Monkbarns lui-même ; quand il affranchit une lettre, il a soin qu’elle pèse toujours une once si exactement, qu’un grain de carvi ferait pencher la balance. Ah ! je serais obligée de faire banqueroute si je pesais aussi juste aux gens qui viennent m’acheter du poivre et du soufre, et autres douceurs.

— Le laird de Monkbarns n’est qu’un ladre, dit mistriss Heukbane ; il ne veut pas payer un quartier d’agneau plus cher en août que si c’était un morceau de bœuf. Si nous prenions une autre goutte de cette liqueur, ma chère mistriss Mailsetter ? Ah ! mes bonnes amies ! si vous aviez connu son frère comme moi ; combien de fois s’est-il glissé chez moi avec une couple de canards sauvages dans

  1. L’aiguille magnétique. a. m.