Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/112

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Moi que ton orgueil mille fois
Accuse avant de disparaître.

« Devant mon souffle destructeur,
Ainsi que la paille enflammée,
L’homme insatiable d’honneur,
S’éclipse comme la fumée.
Je suis l’arbitre des humains ;
Et les trônes, fils de mes mains,
Tombent sous ma verge animée.

« Mets donc à profit tes instans,
Quand mon sablier dure encore ;
Et souviens-toi que tes tourmens,
Ou ta joie et ses doux penchans,
Finiront à l’aspect du Temps,
Par qui tout meurt et se dévore. »

Pendant qu’on chantait ces vers, Lovel avait regagné son lit ; ils éveillèrent en lui une suite de pensées romanesques et agréables telles que son esprit se plaisait à en créer, et remettant au grand jour le choix encore incertain de la résolution qu’il allait prendre, il s’abandonna à la douce langueur causée par la musique, et ne fut éveillé que fort tard par le vieux Caxon, qui s’était glissé dans son appartement pour lui offrir ses services en qualité de valet de chambre.

« J’ai brossé votre habit, monsieur, dit le vieillard quand il vit que Lovel était réveillé ; le garçon l’a apporté ce matin de Fairport, car celui que vous aviez hier était à peine sec, quoiqu’il fût resté toute la nuit auprès du feu de la cuisine, et j’ai nettoyé vos souliers. Je suppose que vous n’aurez pas besoin que j’attache vos cheveux, car tous les jeunes messieurs les portent courts maintenant, ajouta-t-il avec un demi-soupir. Mais j’ai apporté ici le fer à friser pour les tourner un peu sur le front, si vous voulez, avant de paraître devant ces dames. »

Lovel, qui pendant ce temps s’était levé, refusa les services du brave homme en ce qui tenait à son métier ; mais il accompagna son refus d’un présent qui adoucit beaucoup la mortification de Caxon.

« C’est bien dommage qu’il ne veuille pas faire friser et poudrer ses cheveux, » dit l’ancien perruquier quand il se trouva de nouveau à la cuisine, dans laquelle, sous un prétexte quelconque, il passait les trois quarts du temps où il n’avait rien à faire, c’est-à-dire de tout son temps ; « c’est bien dommage, car c’est un joli garçon.