Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouverait le reçu[1] ; mais j’avoue que je suis plutôt de l’opinion de lord Bacon, qui dit que l’imagination a beaucoup de part à la foi que nous donnons à ces miracles. Il y a toujours eu quelque conte en l’air sur cette chambre où l’on prétendait que revenait l’esprit de mon trisaïeul Aldobrand Oldenbuck ; mon trisaïeul ou mon trois fois grand-père. Il est honteux que dans la langue anglaise nous n’ayons pas une manière moins ridicule d’exprimer cette relation de parenté dont nous avons si fréquemment occasion de parler[2]. Il était étranger, et portait le costume national dont la tradition nous a conservé une description exacte ; il y a même une gravure d’après lui, attribuée à Reginald Elstracke, où on le représente tirant de sa propre main la presse d’où sortirent les feuilles de sa rare édition de la Confession d’Augsbourg. Il était aussi bon chimiste que mécanicien, et chacune de ces qualités était alors suffisante pour être convaincu de magie blanche. Ce vieux procureur superstitieux savait tout cela et probablement le croyait, et pendant son sommeil l’image et la pensée de mon aïeul rappela celle de sa vieille armoire, dont on s’était débarrassé en la reléguant au pigeonnier, avec le mépris qu’on ne montre que trop souvent pour les antiquités et la mémoire de nos pères. Ajoutez à tout ceci quantum sufficit[3] d’exagération, et vous aurez la clef de tout le mystère.

— Ô mon frère, mon frère ! mais vous oubliez le docteur Heavy-Sterne, dont le sommeil a été si terriblement interrompu qu’il déclara qu’il ne passerait pas une autre nuit dans la chambre verte, quand il s’agirait de tout ce domaine de Monkbarns, si bien que Marie et moi nous fûmes obligées de lui céder notre…

— Il faut dire, Grizzel, que le docteur est un brave et honnête Allemand à tête pesante, quoique de beaucoup de mérite dans son genre, mais qui fut toujours amateur du mystique et du merveilleux, comme tous ses compatriotes. Vous et lui, n’aviez fait autre chose dans la soirée que de parler de ces sortes d’histoires, et il vous avait régalée de ses contes de Mesmer, de Shropefer et de Cagliostro, et autres qui prétendaient avoir le secret d’évoquer les

  1. La légende de miss Grizzel Oldbuck est en partie tirée d’une histoire fort extraordinaire qui arriva dans le midi de l’Écosse, et dont les circonstances tiennent du merveilleux. Il est vrai qu’il s’agit d’un rêve, et que dans un rêve on voit ou l’on entend des choses bien étranges. a. m.
  2. My great-great-great-grandfather, dit le texte. Ici le français est plus riche ; mais nous croyons devoir conserver la locution britannique. a. m.
  3. Autant qu’il suffit. a. m.