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de voir sa fille faire le chemin avec le fils d’Hazlevood. — Oui, il fut un temps, répondit le premier avec emphase. — Je suis sûre, voisin Ovens, dit l’hôtesse, que les Hazlewood de Hazlewood, quoiqu’ils soient une bonne et ancienne famille du pays, n’auraient jamais songé avant ces derniers quarante ans à s’élever jusqu’aux Ellangowan. Les Bertram d’Ellangowan sont les Dingawaies de l’ancien temps ; il y a une ballade sur l’un d’eux qui épousa la fille d’un roi de l’île de Man, elle commence ainsi :

Le gai Bertram a traversé les flots
Pour aller chercher une épouse.


Je réponds que M. Skreigh pourrait nous la chanter. — Bonne femme, répondit Skreigh en se pinçant les lèvres et avalant son punch à petites gorgées avec une grande solennité, nos talents nous ont été donnés pour un autre usage que pour chanter de vieilles chansons profanes si près du jour du sabbat. — Oh fi, monsieur Skreigh, je gagerais que je vous ai entendu chanter déjà de joyeuses chansons le samedi soir. Mais pour la chaise, monsieur le diacre, elle n’est pas sortie de la remise depuis la mort de mistriss Bertram : il y a de cela seize à dix-sept ans. Jack Jabos est allé les chercher avec une de mes chaises ; je m’étonne qu’il ne soit pas encore revenu. Il fait tout-à-fait obscur, mais il n’y a que deux mauvais coudes sur la route, et le pont qui traverse le ruisseau de Warroch est en assez bon état lorsqu’on prend le côté droit ; cependant il y a la montée d’Heavieside qui est la mort des chevaux, mais Jack connaît bien la route. »

En ce moment on entendit frapper violemment à la porte.

« Ce n’est pas eux, je n’ai pas entendu le bruit des roues : Grizzel ! allons, fainéante, allez à la porte. — C’est simplement un gentleman, dit Grizzel ; le ferai-je entrer dans le parloir ? — Malheur à vous ! c’est quelque Anglais qui voyage à cheval : venir la nuit sans domestique à cette heure de la nuit ! le garçon d’écurie a-t-il pris le cheval ? Vous allumerez quelques broussailles dans la cheminée de la chambre rouge. — Permettez-moi, madame, dit le voyageur en entrant dans la cuisine, de me chauffer ici, car la nuit est très froide. »

Son extérieur, sa voix, ses manières produisirent un effet subit en sa faveur. C’était un homme grand, bien fait, quoique maigre, vêtu de noir, comme on le vit lorsqu’il eut quitté son manteau de voyage ; il paraissait être entre quarante et cinquante ans ; ses traits étaient graves et intéressants, sa tournure avait quelque chose de