Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combats désespérés, dans lesquels il y avait souvent beaucoup de sang versé.

Le patriotique Fletcher de Saltoun a tracé une peinture de ces bandits, il y a environ cent ans, et mes lecteurs la parcourront avec étonnement.

« Il y a aujourd’hui en Écosse, dit-il (outre un grand nombre de pauvres familles entretenues seulement avec le produit des troncs des églises, et d’autres auxquelles une mauvaise nourriture donne la mort), deux cent mille vagabonds qui mendient de porte en porte. Loin d’être un avantage, c’est un bien lourd fardeau pour un pays aussi pauvre. Quoique leur nombre soit peut-être doublé par les grandes calamités qui ont désolé l’Écosse, toujours est-il que dans tous les temps il y a eu à peu près cent mille de ces mendiants qui ont vécu sans se soumettre à aucune loi du pays, ni même à aucune loi divine ou naturelle… Aucun magistrat n’a jamais pu découvrir ou être informé où mourait un seul sur cent de ces vagabonds ou s’ils étaient baptisés. Il se commet beaucoup de meurtres parmi eux ; et ils ne sont pas seulement un pesant fardeau pour les pauvres cultivateurs, qui sont sûrs d’être insultés s’ils ne donnent du pain ou quelque provision à peut-être quarante de ces coquins dans un seul jour, mais ils volent encore les gens qui demeurent dans des maisons isolées de tout voisinage. Aux années d’abondance ils se rassemblent sur les montagnes par milliers, et y font des repas et des débauches qui durent plusieurs jours ; dans les noces de campagne, aux enterrements, dans les marchés et sur tous les lieux publics, on les voit, hommes et femmes, toujours buvant, jurant, blasphémant, ou se battant entre eux. »

Malgré le tableau déplorable que présente cet extrait, et quoi que fît Fletcher lui-même, cet ami ardent et éloquent de la liberté crut ne pouvoir mieux arrêter ces désordres qu’en réduisant ces bandes à une sorte d’esclavage domestique ; la suite des temps, l’accroissement des moyens d’existence et le pouvoir des lois ont resserré ce mal affreux dans des limites très étroites. Les tribus d’Égyptiens, de Jockies ou de Cairds, car ces bandits étaient connus sous ces différents noms, devinrent moins nombreuses, et plusieurs s’anéantirent. Cependant il en restait assez pour effrayer et tourmenter les campagnes. Quelques métiers manuels et grossiers étaient entièrement abandonnés à ces vagabonds ; c’étaient eux qui faisaient des assiettes de bois, des cuillers de corne, et tout ce qui concerne l’art de la chaudronnerie ; ils y ajoutèrent un petit com-