Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui. Il n’y a du reste qu’une petite différence entre la vieille maison de Kittlecourt et le château d’Ellangowan : je doute qu’elle ait une façade de quatre pieds. Mais vous ne déjeunez pas, monsieur Mannering, vous ne mangez point ce qui vous est servi ; permettez-moi de vous recommander ce saumon fumé, c’est John Hay qui l’a attrapé, il y aura samedi trois semaines, dans la rivière au dessus du gué d’Hempseed, etc., etc., etc. »

Le laird, que son indignation avait retenu pendant quelque temps sur le même sujet, se lança de nouveau dans ses phrases vagues et sans suite, qui donnèrent à Mannering le temps de réfléchir sur les désagréments de cette position qu’il regardait une heure auparavant comme digne d’exciter l’envie. Il voyait un gentilhomme campagnard dont le bon naturel semblait être la qualité la plus estimable, se tourmentant lui-même, et murmurant contre les autres, pour des motifs qui, pesés avec les maux réels de la vie, auraient paru bien légers dans la balance. Mais telle est la juste distribution de la Providence, elle assigne à ceux qui sont exempts de grandes afflictions, de petites vexations qui suffisent pour troubler la sérénité de leur vie, et chaque lecteur peut avoir observé que ni l’apathie naturelle, ni la philosophie acquise, ne peuvent rendre les gentilshommes de campagne insensibles aux désagréments qu’ils éprouvent dans les élections, les sessions trimestrielles et les assemblées d’arbitres.

Curieux de connaître les usages du pays, Mannering profita d’un moment de silence du bon M. Bertram, pour demander pourquoi le capitaine Hatteraick semblait avoir un si pressant besoin de cette Égyptienne.

« Oh ! c’était pour bénir son vaisseau, je suppose. Vous devez savoir, monsieur Mannering, que ces négociants sans patente, que la loi appelle contrebandiers, et qui n’ont aucune religion, ont en revanche de grandes superstitions, et qu’ils croient aux charmes, aux sortilèges et à d’autres absurdités semblables. — Vanité et pire encore ! dit Dominie ; c’est un trafic avec le mauvais esprit. Les sortilèges, les charmes, les talismans sont de son invention ; ce sont des flèches choisies dans le carquois d’Apollyon. — Tenez-vous en paix, Dominie, vous parlez toujours (disons en passant que c’étaient les premières paroles, excepté le benedicite et les grâces, que le pauvre homme eût prononcées pendant la matinée), monsieur Mannering ne peut dire un mot avec vous ! Et ainsi donc, monsieur Mannering, puisque nous parlons d’astronomie, de char-