Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/49

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De riantes illusions
Ou bien des douleurs infinies ;
La jalousie et le soupçon,
L’envie et la terreur panique
Tour à tour au miroir magique
Vont se montrer à l’unisson.

Ces passions croissent, décroissent,
En tournant avec le fuseau ;
Des milliers d’intérêts se froissent,
Et rien jamais n’est de niveau.
Tissez la trame qui vous lie
À celle de l’humanité :
Ainsi se mêlent dans la vie
La peine et la félicité.

Avant que notre traducteur, ou plutôt libre imitateur, eût arrangé ces stances dans sa tête, et tandis qu’il se creusait la cervelle pour trouver une rime à…, la tâche de la sibylle était accomplie, c’est-à-dire que sa laine était filée ; elle prit le fuseau chargé de son travail, et dévidant le fil par degrés, elle le mesura, en le jetant sur son coude et en l’amenant entre son pouce et son index. Lorsqu’elle l’eut entièrement mesuré, elle murmura en s’adressant à elle-même : « Un écheveau, mais non d’un seul bout ; de longues années, soixante-dix ; mais le fil est trois fois rompu, et il faut le renouer trois fois : il sera un heureux garçon s’il peut y parvenir. »

Notre héros était sur le point de parler à la prophétesse, lorsqu’une voix rauque comme le bruit des vagues avec lequel elle se mêlait, cria deux fois, avec une impatience croissante : « Meg, Meg Merrilies, Égyptienne, sorcière, mille diables !

— Je viens, je viens, capitaine, » répondit Meg ; et un instant après, l’impatient commandant auquel elle s’adressait sortit des ruines.

Il avait l’aspect d’un marin, sa taille était au-dessous de la moyenne, et son teint était bronzé par les assauts du vent du nord-est. Ses membres étaient musclés, vigoureux et ramassés ; et un homme d’une taille plus élevée n’aurait pu lutter avec lui corps à corps. Il avait l’air dur, et, ce qu’il y a de pire, on ne voyait point sur son visage cette insouciance, cette joie folle et nonchalante et cette oisive curiosité d’un matelot à terre. Ces qualités, peut-être, autant que toutes les autres, contribuent à la grande popularité de nos marins, et à l’amitié générale que notre société a pour eux. Leur bravoure, leur courage, leur hardiesse sont des qualités qui