Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/410

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Et s’étendant sur son lit de paille, elle expira sans pousser un seul gémissement. Le ministre et le chirurgien dressèrent un procès-verbal circonstancié de tout ce qu’elle avait dit, regrettant beaucoup tous deux qu’on ne l’eût pas interrogée juridiquement, mais moralement convaincus de la vérité de ses déclarations.

Hazlewood fut le premier à complimenter Bertram sur la prochaine espérance qu’il pouvait concevoir d’être remis en possession de sa fortune et de son rang dans la société. Les spectateurs, instruits par Jack Jabos que Bertram était celui qui avait blessé Hazlewood, admirèrent la générosité de ce dernier, et joignirent son nom à celui de Bertram dans leurs cris d’allégresse.

Quelques personnes demandèrent au postillon comment il n’avait pas reconnu Bertram quand il l’avait vu quelque temps auparavant à Kippletringan ; il leur répondit très naturellement : « Qui pensait alors à Ellangowan ?… C’est en entendant dire que le jeune laird était retrouvé, que j’ai cru apercevoir de la ressemblance… On ne pouvait pas s’y tromper, une fois prévenu. »

La férocité d’Hatteraick, pendant la dernière partie de cette scène, sembla, jusqu’à un certain point, ébranlée. On remarqua qu’il fronçait les sourcils… Il essaya de soulever ses mains garrottées, pour enfoncer son chapeau sur son front. Il regardait avec un air d’impatience du côté de la grand’route, comme s’il eût désiré voir arriver la voiture qui devait l’emmener, car il appréhendait que la fermentation populaire ne se tournât contre lui. Enfin Hazlewood ordonna qu’on le fît monter dans la chaise de poste pour le conduire à Kippletringan, où il serait mis à la disposition de M. Mac-Morlan, à qui il avait déjà expédié un exprès pour l’informer de ce qui venait de se passer.

« Monsieur, dit- il à Bertram, je serais heureux si vous vouliez bien m’accompagner à Hazlewood-House ; mais comme je crois que cela vous sera plus agréable dans quelques jours que maintenant, vous me permettrez de retourner avec vous à Woodbourne. Mais vous êtes à pied !… — Si le jeune laird voulait prendre mon cheval !… ou le mien… ou le mien, s’écrièrent une douzaine de voix. — Acceptez le mien ; il fait dix milles à l’heure, sans qu’il soit besoin de lui faire sentir l’éperon ou le fouet ; il est à vous dès ce moment, si vous voulez le prendre comme un herezeld[1], » dit un vieillard respectable.

  1. Ce mot, fort peu connu maintenant, est mis, observe l’auteur, dans la bouche de quelque vieux fermier. Dans les redevances féodales, le herezeld était une convention par laquelle le meilleur cheval, ou autre animal, sur la terre du vassal, appartenait au seigneur. Le seul reste de cette coutume est ce qu’on appelle maintenant la saisine, espèce d’honoraire que les vassaux de la couronne paient au shérif du comté qui les met en possession. a. m.