Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/40

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des Ptolémée, des Haly, des Etzler, des Dieterick, des Naibod, des Harfurt, des Zaël, des Taustettor, des Agrippa, des Duretus, des Maginus, des Origène et des Argol. Les chrétiens et les païens, les juifs et les gentils, les poètes et les philosophes, ne s’accordent-ils point à reconnaître l’influence des astres ! — Communis error, c’est une méprise générale, répondit l’inflexible Dominie Sampson. — Non pas, répliqua le jeune Anglais, c’est une opinion générale et bien établie. — C’est la ressource des imposteurs, des charlatans et des fripons, dit Sampson. — Abusas non tollit usum ! L’abus d’une chose ne détruit pas le bon usage qu’on en peut faire. »

Durant cette discussion, Ellangowan était pris comme une bécasse dans son propre filet. Il regardait alternativement les deux interlocuteurs : en voyant la gravité avec laquelle Mannering attaquait son adversaire, et les connaissances qu’il déployait dans cette controverse, il commençait à croire qu’il agissait sérieusement. Pour Meg, elle fixait ses yeux égarés sur l’astrologue, influencée par un jargon plus mystérieux que le sien.

Mannering profita de ses avantages ; il accumula tous les termes bizarres de l’art que sa mémoire fidèle put lui fournir, et qui lui avaient été familiers dans sa première jeunesse, pour des raisons que nous mentionnerons ci-après.

Il parla des signes et des planètes dans leurs aspects sextiles, quaternaires, ternaires, conjoints ou opposés ; des demeures du ciel, avec leurs cornes, leurs heures et minutes ; il prononça les noms d’Almuten, d’Almochoden, d’Anahibazon, de Catahibazon ; il lança mille autres noms aussi barbares à prononcer et d’une égale signification, et trois fois autant encore, contre Dominie, qui ne reculait pas, et que son incrédulité obstinée mettait à l’abri de cet orage qui fondait sur lui.

À la fin, la joyeuse nouvelle que lady Bertram venait de donner un fils à son époux, et qu’elle était (comme on le dit toujours) aussi bien que son état le permettait, vint mettre fin à la discussion. M. Bertram se hâta de se rendre dans la chambre de son épouse, Meg Merrilies descendit à la cuisine pour être sûre d’avoir sa part du groaning malt et du ken-no[1]. Mannering, après avoir regardé

  1. Le groaning malt dont il est parlé dans le texte est de l’ale qu’on brasse exprès pour boire dès que l’accouchée est délivrée. Le ken-no a une origine plus ancienne, et peut-être cette coutume vient-elle des cérémonies secrètes des mystères de Bona Dea. Un énorme et excellent fromage est fait par les femmes de la maison, qui affectent an grand secret, pour le repas des commères qui attendent l’heureux moment. Tel est le ken-no, ainsi appelé parce que (on le présume ainsi) son existence doit être secrète pour tous les hommes de la maison, et surtout pour le mari et le maître. Il devait donc se conduire comme s’il n’en savait rien, et sembler désirer que les convives femelles allassent se mettre à table, et paraître surpris de leur refus obstiné. Mais à peine avait-il le dos tourné que l’on apportait le ken-no ; et après qu’on s’en était rassasié en l’arrosant convenablement de groaning malt, le reste était partagé entre les commères, et chacune emportait sa part chez elle en affectant le même secret.
    (Groaning malt signifie drèche des gémissements, et ken-no, je ne sais pas : deux noms tirés de la cérémonie pour laquelle ils étaient préparés.a. m.).