Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les traits, mais plus de vivacité dans la physionomie. La sorcière a tenu parole. » Alors s’approchant de Lucy : « Ma chère miss Bertram, lui dit-il, regardez ce jeune homme ; n’avez-vous jamais vu personne qui lui ressemblât ? »

Lucy avait à peine osé jeter un regard sur cet objet d’effroi ; il ne lui en avait pas fallu davantage pour reconnaître, à sa grande taille et à sa tournure, l’assassin prétendu du jeune Hazlewood, opinion qui prévint dans son esprit les idées plus favorables qu’elle aurait pu concevoir en le regardant avec plus d’attention. « Ne me parlez point de cet homme, dit-elle en détournant les yeux ; faites-le sortir, au nom du ciel, où il va nous assassiner tous. — Assassiner ! où est le poker[1] ? s’écria l’avocat un peu alarmé. Mais vous vous trompez ! nous sommes trois hommes, sans compter les domestiques, et voilà l’honnête fermier du Liddesdale qui en vaut à lui seul une douzaine. Nous avons le major vis[2] de notre côté. Quoi qu’il en soit, approchez ici, mon ami Dandie… Devis… comment vous appelez-vous ? tenez-vous entre ce jeune homme et nous, pour rassurer ces demoiselles. — Seigneur, M. Pleydell, dit le fermier étonné, c’est le capitaine Brown ; ne connaissez-vous pas le capitaine Brown ? — Ah ! s’il est de vos amis, nous n’avons rien à craindre, répondit Pleydell ; mais tenez-vous près de lui. »

Tout cela se passa avec une telle rapidité que Dominie n’était pas encore sorti d’une distraction où il était plongé ; mais, fermant le livre qu’il lisait attentivement dans un coin, et s’avançant pour jeter un coup d’œil sur les nouveaux venus, il s’écria tout-à-coup en regardant Bertram : « Si le tombeau peut laisser échapper sa proie, voilà mon cher et honoré maître ! — Vous dites vrai, après tout ; par le ciel ! j’étais sûr que je ne me trompais pas, dit le jurisconsulte ; c’est le portrait vivant de son père… Allons, colonel, à quoi pensez-vous de ne pas faire un meilleur accueil à votre hôte ?… — Je pense… je crois… je suis sûr que vous avez raison, monsieur Dominie ; jamais je ne vis de si frappante ressemblance ! Mais, patience… Sampson, ne dites pas un mot… Asseyez-vous, jeune homme. — Pardon, monsieur. Si je suis, à ce que je crois, dans la maison du colonel Mannering, je voudrais savoir avant tout si ma présence involontaire lui déplaît, ou s’il la voit avec plaisir. »

  1. L’instrument dont on se sert pour remuer le charbon sur la grille. a. m.
  2. La force supérieure. a. m.