Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou une Érichthoé. — Si vous ne mangez pas sur-le-champ, si vous tardez à vous remplir le ventre, je m’en vais vous bourrer le gosier avec cette cuiller à pot encore toute brûlante, et cela de gré ou de force : ouvre la bouche, pécheur, et avale ! »

Sampson, effrayé des yeux de lézard, des orteils de grenouille, des chaudrons[1] de tigre, etc., était bien résolu d’abord à ne pas s’y frotter. Mais le fumet de ce ragoût triomphait peu à peu de sa répugnance en lui faisant venir l’eau à la bouche ; les menaces de la sorcière finirent par le décider. La faim et la crainte sont d’excellents casuistes.

« Saül, disait la faim, mangea avec la sorcière d’Endor…, et, ajoutait la crainte, le sel qu’elle a répandu sur ce ragoût montre clairement que ce n’est pas un mets de sorciers, qui n’emploient jamais cet assaisonnement ;… et de plus, dit la faim après la première bouchée, la viande est bonne et succulente. »

« Eh bien ! est-ce bon ? » demanda l’hôtesse. — Oui, répondit Dominie, et je te remercie… scelestissima ! … ce qui signifie mistress Merrilies. — Alors, mangez tout votre soûl. Si vous saviez d’où vient ce gibier, vous n’en mangeriez peut-être pas avec tant d’appétit. »

À ces mots, Sampson laissa retomber sa fourchette, qu’il allait porter à sa bouche. « Il a fallu passer plus d’une nuit au clair de la lune pour ramasser tout cela, continua Meg, et les gens qui doivent manger ce dîner s’inquiètent fort peu de vos lois sur la chasse. — N’est-ce que cela ? » se dit Sampson en reprenant sa fourchette et se bourrant avec intrépidité, « ce n’est pas cette raison qui m’empêchera de manger. — À présent, voulez-vous boire un coup ? — Je le veux bien, répondit Sampson, conjuro te… c’est-à-dire, je vous remercie cordialement ;… car, pensait-il, je n’y perds rien, pas un sou, pas une livre ; » et, sans se faire prier, il but à la santé de la sorcière une grande tasse d’eau-de-vie. Quand il eut arrosé de ce liquide le bon dîner de Meg, il se sentit, dit-il, « admirablement encouragé, et ne craignit plus aucun maléfice. »

« Maintenant vous rappellerez-vous ma commission ? lui demanda Meg Merrilies ; je vois à vos yeux que vous êtes un autre homme qu’en venant ici. — Je m’en souviendrai, mistress Merrilies, répondit Sampson sans hésiter ; je lui remettrai cette lettre cachetée, et j’ajouterai de vive voix tout ce qu’il vous plaira. — Alors ce ne sera pas long : dites-lui qu’il ait soin de consulter les

  1. Tigers, chaudrons.