Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/323

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musique de ses verroux et de ses serrures, eut bientôt dispersé toute la marmaille qui s’était attroupée à la porte ; puis s’adressant à son aimable mari :

« Dépêche-toi donc, mon homme, fais donc entrer le chaland ; qu’attends-tu ? — Retiens ta langue, et va-t’en au diable, vieille… » répondit le cher époux, avec deux autres épithètes d’une grande énergie, que nous demandons au lecteur la permission de ne pas répéter. Puis se tournant vers Bertram :

« Eh bien, mon garçon, descendez-vous tout seul, ou faut-il vous aider ? »

Bertram descendit de la voiture, et, saisi par le constable dès qu’il eut mis pied à terre, bien qu’il ne fît aucune résistance, il fut entraîné dans la prison, au milieu des clameurs des petits sans-culottes, qui se tenaient à une distance respectueuse de mistress Mac-Guffog. Dès qu’il eut passé le seuil fatal, la geôlière replaça les chaînes, repoussa les verroux, et, après avoir tourné à deux mains une énorme clef, elle l’ôta de la serrure, puis la mit dans la vaste poche de son tablier rouge.

Bertram était alors dans la petite cour dont nous avons parlé. Deux ou trois prisonniers s’y promenaient et semblaient éprouver quelque soulagement par le coup d’œil que l’ouverture momentanée de la porte leur avait permis de jeter jusque sur l’autre côté d’une petite rue fort sale : sentiment qui paraîtra bien naturel, si l’on considère qu’à moins de pareilles occasions, ils n’avaient d’autre point de vue que les grilles de leur prison, les noires et hautes murailles de la cour, le ciel au dessus d’eux, et les dalles de pierre sous leurs pieds. Cette uniformité de spectacle qui, pour me servir de l’expression du poète :

Pèse comme un bandeau sur les yeux fatigués,

développe chez certains prisonniers une dure et noire misanthropie ; chez d’autres, elle fait naître cette maladie du cœur qui porte l’homme déjà enseveli vivant dans une sorte de sépulcre, à désirer un tombeau plus calme et plus tranquille.

Quand ils furent entrés dans la cour, Mac-Guffog laissa Bertram respirer un moment et considérer ses compagnons d’infortune. Quand il eut promené ses yeux sur ces figures où le crime, le désespoir et d’ignobles passions avaient mis le cachet ; sur le dissipateur et l’escroc, sur le filou et le banqueroutier, sur « l’idiot aux yeux fixes et sur le fou joyeux, » qu’un pitoyable esprit d’économie