Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/299

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mes, dispersés çà et là, recevaient et réfléchissaient les rayons du soleil d’une matinée de décembre. Brown éprouva cette sensation vive et attachante qu’un homme de goût et de sentiment ne manque jamais d’éprouver à la vue des beautés de la nature, quand elles s’offrent tout-à-coup à ses yeux après l’obscurité et l’ennui d’une nuit de voyage. Peut-être… car qui entreprendrait d’analyser les sentiments inexplicables qui font qu’une personne née dans les montagnes ne peut oublier les lieux où s’est passée son enfance ? peut-être quelques-uns de ces souvenirs, qui conservent leur effet long-temps après que la cause en a été oubliée, se mêlaient-ils à l’émotion agréable avec laquelle il contemplait la scène qui se déployait devant lui ?

— Et quel est, dit Brown au patron de la barque, ce beau promontoire qui s’avance dans la mer avec ses côtes en pente, ses hauteurs garnies de bois, et qui forme le côté droit de la baie ? — C’est la pointe de Warroch, répondit celui-ci. — Et ce vieux château, mon ami, avec la maison moderne située tout au bas ? Vu d’ici, ce bâtiment paraît considérable. — C’est le vieux château, monsieur ; et au bas, le château neuf. Nous vous débarquerons à cet endroit, si vous le voulez. — J’en serai charmé ! je visiterai ces ruines avant de continuer mon voyage. — Oui, dit le pêcheur, c’est un morceau très curieux à voir ; et cette grande tour s’aperçoit d’aussi loin en mer que Ramsay dans l’île de Man, ou la pointe d’Ayr… On s’est beaucoup battu en cet endroit, il y a bien longtemps. »

Brown aurait demandé d’autres détails, mais un pêcheur n’est pas ordinairement un antiquaire. Ses connaissances locales ne s’étendaient pas plus loin que ce qu’il venait de dire : « que c’était un point qui s’apercevait de fort loin en mer, et qu’on s’était beaucoup battu en cet endroit, il y avait bien long-temps. »

« J’en apprendrai davantage, se dit Brown, quand je serai à terre. »

La barque vogua vers le point où était situé le château. Du haut du rocher où il était bâti, il dominait les ondes toujours agitées de la baie. « Je crois, dit le pêcheur, que vous débarquerez ici les pieds aussi secs que sur un quai. Il y a là une place où autrefois ils attachaient leurs berlines[1] et leurs galères, comme ils les appelaient ; vous y trouverez un petit escalier étroit qui conduit au sommet du

  1. Berlins and galleys.