Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/296

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donc qu’ils furent arrivés à Allonby, Brown écrivit à miss Mannering : il lui exprimait le repentir le plus profond de ce qui était arrivé par son imprudence, la conjurait de lui accorder la permission de plaider sa cause en personne, et d’obtenir son pardon. Il lui sembla trop périlleux de lui donner aucun détail sur les événements auxquels il s’était depuis peu de temps trouvé mêlé, et s’étudia à s’exprimer avec une telle ambiguïté, que si sa lettre tombait en des mains mal intentionnées, il fût difficile d’en pénétrer le véritable sens et d’en découvrir l’auteur. Le vieillard se chargea de remettre fidèlement cette lettre à sa fille, à Woodbourne ; et comme son commerce devait incessamment rappeler lui ou sa barque à Allonby, il promit même de se charger de la réponse, si la jeune dame voulait lui en confier une.

Notre voyageur persécuté s’établit à Allonby, et aussi modestement que l’exigeaient sa pauvreté momentanée et son désir d’être aussi peu remarqué que possible. Dans cette intention il prit le nom et la profession de son ami Dudley, étant assez habile à manier le pinceau pour ne pas éveiller de soupçons dans l’esprit de son hôte. Il annonça que son bagage allait arriver de Wigton, et se tenant, autant qu’il le pouvait, renfermé dans son appartement, il attendit les réponses aux lettres qu’il écrivit à son agent, à Delaserre, et à son lieutenant-colonel. Il ordonnait au premier de lui envoyer de l’argent ; il conjurait le second de le venir rejoindre en Écosse, et demandait au troisième un certificat de son grade et de sa conduite dans le régiment, afin de pouvoir établir, d’une manière incontestable, son titre comme officier, et sa moralité comme homme. Frappé vivement aussi des inconvénients que peut entraîner le manque d’argent, il écrivit à Dinmont pour lui demander le prêt d’une petite somme, durant quelques jours seulement. La résidence de Dinmont n’étant qu’à soixante ou soixante-dix milles de distance, il ne doutait pas qu’il ne reçût bientôt cette somme. Il ne s’adressait ainsi à son ami, lui disait-il, que parce qu’il avait été volé par des brigands peu après l’avoir quitté. Il attendit donc impatiemment, mais sans inquiétudes sérieuses, la réponse à ses diverses lettres.

Pour la justification des correspondants de Brown, nous devons faire observer qu’à cette époque le service des postes ne se faisait point avec la même célérité que depuis les ingénieuses inventions de M. Palmer. En ce qui concerne particulièrement l’honnête Dinmont, comme il ne recevait guère plus d’une lettre par trimestre (hormis quand il était en procès, auquel cas il envoyait régulière-