Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/295

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tout le pays sur les bras. Non ! non ! quand j’étais embarqué dans ce commerce-là, je jouais à pair ou non avec les officiers de la douane. Ici une cargaison confisquée, fort bien ; tant mieux pour eux. Là, une autre débarquée tout entière sans mésaventure, tant mieux pour moi. Non, non ! les éperviers ne doivent point se ruer sur les éperviers. — Et le colonel Mannering ? dit Brown. — Il n’a pas été trop sage non plus de se mêler de cela. Non que je le blâme d’avoir sauvé balles aux douaniers ; il a très bien fait. Mais il ne convenait pas à un gentleman de se battre contre de pauvres gens, pour quelques la vie de thé et quelques barils d’eau-de-vie. Du reste, c’est un homme riche, c’est un colonel ; et les gens de cette espèce font tout ce qu’ils veulent avec les malheureux comme nous. — Et sa fille, dit Brown le cœur palpitant, trouve un mari dans une grande famille, à ce qu’on m’a dit ? — Quelle famille ? celle des Hazlewood ? répondit le pilote. Non, non, ce sont des caquets ridicules. Tous les dimanches, régulièrement, ce jeune homme reconduisait chez elle à cheval la fille du feu laird d’Ellangowan ; et ma fille Peggy, qui est en service à Woodbourne, dit que le jeune Hazlewood, pour sûr, ne pense pas plus que vous à miss Mannering. »

Tout en se reprochant avec amertume d’avoir trop légèrement ajouté foi à un faux bruit, Brown apprit avec une joie infinie que ses soupçons sur la fidélité de Julia, soupçons d’après lesquels il s’était imprudemment conduit, étaient dénués de fondement. Mais combien il devait avoir perdu dans son esprit ! Que devait-elle penser d’une conduite d’après laquelle il devait lui paraître ne tenir compte ni de sa tranquillité, ni des intérêts de leur mutuelle affection ? Les relations de ce vieillard avec la famille de Woodbourne semblaient lui offrir un moyen de communication sûr, il résolut d’en profiter.

« Votre fille est servante à Woodbourne ? J’ai connu miss Mannering dans l’Inde, et, bien qu’en ce moment je sois dans une position bien inférieure à la sienne, j’ai de grandes raisons d’espérer qu’elle ne refuserait pas de s’intéresser en ma faveur. J’ai eu le malheur de me quereller avec son père, qui commandait le régiment où je servais, et je suis sûr que la jeune dame ferait son possible pour me réconcilier avec lui. Peut-être votre fille pourrait-elle lui remettre une lettre sur ce sujet, sans exposer miss Mannering aux reproches de son père ? »

Le vieillard, partisan de toute espèce de fraude, s’empressa de répondre que la lettre serait remise fidèlement et secrètement. Sitôt