Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/258

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comme cela se pratiquait un demi-siècle auparavant ; et quoique les jeunes praticiens s’élevassent contre cette vieille coutume, les vieux jurisconsultes n’en conservaient pas moins l’habitude de mêler le vin et les plaisirs de la table aux affaires sérieuses : ils y tenaient, parce qu’elle était ancienne, et peut-être aussi parce qu’ils s’en étaient toujours bien trouvés. Parmi ces zélateurs du temps passé qui persistaient avec une obstination affectée à conserver les mœurs de la génération précédente, était maître Paulus Pleydell, esquire, au demeurant honnête homme, instruit et avocat distingué.

Attaché aux pas de son conducteur, Mannering, après avoir suivi une ou deux rues obscures, arriva à la rue Haute (High-Street), qui en ce moment retentissait des cris des marchandes d’huîtres et du bruit des sonnettes des marchands de gâteaux ; car, comme le remarqua son guide, huit heures venaient de sonner à l’horloge de Tron[1]. Il y avait long-temps qu’il ne s’était trouvé dans les rues d’une capitale populeuse. Ce tumulte et ces cris, cette activité commerciale, cette agitation pour les plaisirs et la licence, la variété des lumières, la forme continuellement changeante des groupes qui remplissent les rues, offrent dans une grande ville, pendant la nuit surtout, un spectacle dont tous les éléments, considérés à part, sont bien vulgaires, mais qui, combinés ensemble, produisent sur l’imagination une impression vive et frappante. On reconnaissait la hauteur extraordinaire des maisons par les lumières qui brillaient irrégulièrement à leurs façades, et il y en avait de si élevées, qu’elles semblaient étinceler au milieux des cieux. Ce coup d’œil, aujourd’hui moins étendu, était alors plus imposant, par la longueur de la Grand’Rue, qui ne s’interrompait qu’à l’endroit où le pont du Nord, communiquant avec elle, formait une place superbe et régulière, depuis la façade du Luckenboots jusqu’à l’entrée de la Canongate, et dont l’étendue en tous sens était en harmonie avec la hauteur prodigieuse des édifices qui l’entouraient de tous les côtés.

Mannering n’eut pas le temps de regarder ni d’admirer : son conducteur lui fit traverser rapidement cette scène intéressante et entra tout-à-coup dans une petite rue fort étroite qui allait en pente. Dans une maison à droite, ils montèrent avec précaution un escalier dont la propreté, à en juger par un seul sens, parut fort suspecte à Mannering ; arrivés à une hauteur assez considérable, ils entendirent frapper un grand coup à une porte, à deux étages encore au-dessus d’eux. La porte s’ouvrit, et les aboiements subits

  1. Tron-Church, église près de High-Street. a. m.