Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/237

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pour le conduire à la prison du comté. N’y a-t-il pas dans le vieux château un endroit où nous pourrions le déposer ? — Oui, monsieur, il y en a un. Mon oncle le constable y a une fois tenu un homme enfermé pendant trois jours, du temps du vieil Ellangowan. Mais il doit être bien sale : il y a plus de quinze ans qu’on n’y est entré. — Je le sais ; mais cet homme n’y restera pas long-temps… C’est seulement une prison provisoire pour y passer une nuit… un lieu de dépôt, en attendant qu’il subisse un nouvel interrogatoire. Il y a tout à côté une petite chambre ; vous y allumerez du feu pour vous, et je vous enverrai de quoi vous tenir en bonne humeur. Mais n’oubliez pas de bien enfermer le prisonnier ; et, écoutez-moi, faites-lui du feu ; la saison l’exige. Peut-être prouvera-t-il demain qu’il est innocent. »

Avec ces instructions et une ample provision de nourriture et de liqueurs, le juge de paix envoya ses gens passer la nuit dans le vieux château, rempli de l’espérance et de la conviction qu’ils n’emploieraient la nuit ni à veiller ni à prier.

Il n’était guère probable que Glossin jouirait cette nuit-là d’un profond sommeil. Sa position était très critique ; toutes les mauvaises actions d’une vie passée dans le crime semblaient se grouper autour de lui pour l’accabler. Il se mit au lit ; mais long-temps il s’agita en vain sur son oreiller. À la fin il s’endormit, mais son sommeil fut troublé par des songes affreux. Tantôt il voyait son ancien bienfaiteur comme lors de leur dernière entrevue, avec la pâleur de la mort ; tantôt, dans la vigueur et la beauté de la jeunesse, et venant le chasser de la maison des Ellangowan. Ensuite il rêva qu’après avoir erré long-temps sur une bruyère sauvage, il arrivait à une auberge d’où sortaient des cris de joie et de débauche, et qu’étant entré, la première personne qui s’offrit à lui était Frank Kennedy, tout mutilé et tout sanglant, tel qu’il était étendu sur le rivage, à la pointe de Warroch, mais tenant à la main un bol de punch enflammé. Puis la scène changeait : il était dans un cachot, et il entendait Dirk Hatteraick, condamné à mort, confesser tous ses crimes à un ecclésiastique.

« Quand l’œuvre de sang fut achevée, disait-il, nous nous réfugiâmes dans une caverne voisine qui n’était connue que d’un homme dans le pays : nous discutâmes sur ce qu’on ferait de l’enfant, et nous avions décidé qu’on le donnerait aux Bohémiens, quand nous entendîmes les cris de gens mis à notre poursuite, qui se répondaient les uns aux autres. Un homme entra ; c’était celui