Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/230

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n’était plus probable. — Et que dit l’étranger quand il eut entendu tout cela ? — Que dit l’étranger ? il ne dit rien du tout. Il les regarda fixement pendant qu’elles se promenaient sur la glace, autour du lac, comme s’il eût voulu les manger, et il ne détourna pas les yeux de dessus elles ; il ne dit plus un mot, ne regarda même plus Bonspiel, quoique ce fût le plus beau patineur qu’on eût jamais vu ; enfin il s’en alla, prit le sentier qui traverse les plantations de Woodbourne, et nous ne le vîmes plus. — Pensez seulement, dit mistress Mac-Candlish, quel cœur de fer il faut qu’il ait eu pour tirer sur le pauvre jeune homme, en présence de la demoiselle qu’il doit épouser ! — Hélas ! mistress Mac-Candlish, les registres des tribunaux prouvent que de semblables aventures ne sont que trop fréquentes ; sans doute il voulait se venger, et la vengeance lui paraissait d’autant plus douce qu’elle était plus cruelle. — Que Dieu ait pitié de nous ! dit le diacre Bearcliff, nous sommes de pauvres et fragiles créatures, quand nous sommes abandonnés à nous-mêmes. Oui, il avait oublié qu’il est écrit : La vengeance m’appartient, c’est moi seul qui dois l’exercer. — Très bien, messieurs, dit Jabos, dont l’esprit grossier et sans culture, mais pénétrant, trouvait le gibier, pendant que les autres battaient le buisson ; c’est très bien, mais peut-être vous vous méprenez. Je ne croirai jamais qu’un homme forme le projet, pour tirer sur un autre, d’aller lui prendre son fusil. Dieu me garde ! J’ai été, moi qui vous parle, aide du garde-chasse dans l’île de Man, et je vous garantis que l’homme le plus grand de toute l’Écosse ne m’aurait jamais arraché mon fusil des mains ; je lui aurais auparavant logé la charge dans le corps : cependant je ne suis qu’un pauvre diable, ni bien haut, ni bien fort, bon seulement pour me tenir sur une selle ou sur le siège d’une voiture de poste. Non, non, non, pas un homme au monde n’en serait venu à bout. Je gage mes meilleures bottes, et elles sont toutes neuves, je les ai achetées à la foire de Kirkendbright, ce n’a été qu’un accident, qu’un hasard. Mais si vous n’avez rien de plus à me dire, je pense que je ferai bien d’aller voir si mes bêtes ont à manger. » Il partit.

Le garçon d’écurie qui l’avait accompagné déposa dans le même sens ; Glossin lui demanda, ainsi qu’à mistress Mac-Candlish, si Brown portait des armes dans cette malheureuse matinée : « Aucune, répondirent-ils, si ce n’est un couteau de chasse suspendu à son côté. »

« Plus j’y pense, dit le diacre en prenant Glossin par le bouton