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GUY MANNERING,
ou
L’ASTROLOGUE.



CHAPITRE PREMIER.

LE VOYAGEUR.


Il ne put nier, en jetant autour de lui les yeux sur cette contrée affreuse, et en ne voyant que des champs noircis, des arbres dépouillés, des collines voilées par des brouillards, des plaines couvertes par des inondations, que la mélancolie prit de l’empire sur lui pendant un temps, et qu’il désira alors être sain et sauf chez lui.
Voyages de William Martell.


C’était au commencement du mois de novembre de l’année 17… Un jeune Anglais, récemment sorti de l’université d’Oxford, faisait usage de sa liberté pour visiter quelques parties du nord de l’Angleterre ; la curiosité lui fit étendre ses courses sur la frontière voisine de cette contrée qu’on peut appeler la sœur de la mère patrie. Le jour où commence notre histoire, il avait visité les ruines d’un monastère dans le comté de Dumfries, et passé une grande partie de la journée à les dessiner sous divers points de vue. Aussi, lorsqu’il monta à cheval pour reprendre sa route, le rapide et sombre crépuscule de cette saison avait déjà paru. La route qu’il devait suivre traversait une vaste plaine couverte de bruyères noires : elles s’étendaient à plusieurs milles sur les côtés et devant lui. De petites éminences, semblables à des îles, s’élevaient à la surface de la plaine, portant çà et là des champs de blé qui était encore vert même dans cette saison, et de temps en temps une hutte, ou une ferme ombragée par un ou deux saules et entourée d’épais buissons de sureau. Ces habitations isolées communiquaient l’une à l’autre par des sentiers sinueux pratiqués à travers la bruyère et impraticables pour tous autres que pour les naturels eux-mêmes. La grande route cependant était assez bien entretenue et assez sûre ; ainsi la crainte d’être surpris par la nuit ne faisait redouter aucun danger.

Cependant il est désagréable de voyager seul dans l’obscurité, au