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coup de chances, et que bien des motifs les obligent à changer souvent le lieu de la scène où ils font briller leurs talents. Il avait quelque raison de croire que ses recherches ne compromettraient pas de vieux amis qui auraient peut-être entre les mains des moyens de se venger. Son ancienne participation à ce trafic ne devait pas, à ce qu’il pensait, l’empêcher de faire servir son expérience au bien public, ou plutôt au succès de ses vues personnelles. Acquérir l’estime et la protection du colonel Mannering n’était pas peu de chose pour un homme qui était fort disposé à s’échapper de Coventry ; obtenir la faveur du vieux Hazlewood, qui occupait le premier rang dans le pays, était plus important encore. Enfin, s’il réussissait à découvrir, à arrêter et à convaincre les coupables, il aurait la satisfaction de mortifier, et jusqu’à un certain point de discréditer Mac-Morlan ; car c’était à lui, comme substitut du shérif du comté, qu’appartenait cette sorte de recherche, et il perdrait nécessairement dans l’estime publique, si les soins volontaires de Glossin avaient plus de succès que les siens.

Excité par des motifs si puissants, Glossin mit en campagne tous les agents subalternes de la justice, et fit jouer tous les ressorts imaginables pour découvrir et saisir, s’il était possible, quelques-uns des brigands qui avaient attaqué Woodbourne, et particulièrement l’individu qui avait blessé Charles Hazlewood. Il promit de fortes récompenses, suggéra différents artifices, fit usage de son influence personnelle sur ceux qu’il connaissait de longue main pour favoriser la contrebande, leur donnant à entendre qu’il valait mieux sacrifier un ou deux de ces drôles, que de s’exposer à la haine en paraissant protéger leurs criminelles violences : mais pendant quelque temps, toutes ses manœuvres furent inutiles. Le bas peuple favorisait ou craignait trop les contrebandiers pour donner aucun renseignement contre eux. Enfin l’actif magistrat fut informé qu’un homme, qui, par son habillement et sa tournure, ressemblait à celui qui avait blessé Hazlewood, avait logé, la veille de cette rencontre, aux Armes de Gordon, auberge située à Kippletringan. Il ne perdit pas un instant, et se rendit sur-le-champ dans ce bourg pour y interroger notre ancienne connaissance mistress Mac-Candlish.

Le lecteur peut se souvenir que M. Glossin n’était pas fort bien dans les papiers de cette brave femme, comme elle le disait elle-même. Aussi, quand il l’eut fait inviter à l’aller trouver dans le parloir, elle ne s’y rendit que lentement et à contre-cœur : la ré-